Les derniers développements et fuites politiques indiquent que l’optimisme prudent entourant une résolution possible de la crise libanaise s’estompe rapidement. Un pessimisme croissant prend sa place, ouvrant la voie à une série de scénarios incertains et potentiellement dangereux pour le Liban et la région.
Ce changement de ton survient alors que l’émissaire présidentiel américain Thomas Barrack revient à Beyrouth — cette fois avec un pouvoir de négociation réduit. Déjà en difficulté pour offrir des garanties en Syrie lors de précédentes tentatives de médiation, Barrack arrive au Liban les mains vides. Son incapacité à fournir des assurances crédibles en Syrie — illustrée notamment par les frappes israéliennes à Soueïda et à Damas — fragilise désormais sa position auprès des responsables libanais.
Barrack ne peut pas garantir l’arrêt des violations quotidiennes par Israël du cessez-le-feu et de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. Il ne peut pas non plus demander au Liban de suivre l’exemple syrien alors que Damas sombre elle-même dans l’instabilité. Face aux récentes frappes israéliennes à Soueïda et aux manœuvres militaires à la frontière syro-libanaise, « Hezbollah » et l’armée libanaise restent en état d’alerte, anticipant une possible escalade.
Avec peu d’outils restants dans son arsenal diplomatique, Barrack semble incapable de sortir de l’impasse actuelle. Ce vide profite à Israël, qui conserve une liberté d’action totale pour frapper les positions de « Hezbollah » à sa guise. Israël ne semble pas préoccupé par la capacité du gouvernement libanais à désarmer « Hezbollah » — au contraire, la présence continue de ces armes sert de justification à ses propres violations du cessez-le-feu.
L’administration Trump, elle aussi, paraît peu affectée par ces revers diplomatiques, ayant largement abandonné les solutions multilatérales. Les responsables américains poussent désormais pour des négociations directes entre le Liban et Israël. Lors de ses précédentes visites, Barrack n’a fait aucune mention de la résolution 1701 ni de la force de maintien de la paix des Nations unies déployée au Sud-Liban. Il a également ignoré le comité de surveillance du cessez-le-feu présidé par un général du Commandement central américain. À la place, il a déclaré l’accord du 27 novembre « un échec » et a appelé à un nouveau cadre — une approche que « Hezbollah » et les autorités libanaises considèrent comme une tentative d’effacer plus de 2 800 violations israéliennes documentées du cessez-le-feu.
Plus inquiétant encore : après avoir bombardé et détruit des positions du régime syrien sous prétexte de protéger les Druzes du sud de la Syrie, Israël a fini par permettre au régime Assad de reprendre le contrôle de la zone. Beaucoup y voient un marché implicite. En contrepartie, Israël serait en voie de finaliser l’annexion du plateau du Golan occupé, accordant la nationalité israélienne à tous ses habitants et éliminant toute perspective de restitution à la Syrie dans le cadre d’un futur accord de paix. Des négociations à ce sujet seraient en cours à Bakou et dans d’autres capitales.
Au Liban, le délai fixé par les États-Unis pour le désarmement de « Hezbollah » — prévu pour la fin de l’année — semble davantage destiné à laisser à Washington et Tel-Aviv le temps de mettre en œuvre leurs plans dans la région : Syrie, Irak, Iran, Yémen, Gaza et Cisjordanie. Ce n’est donc pas, comme on le prétend, une période de grâce accordée au Liban pour engager des réformes.
Quant à la réponse de « Hezbollah », elle a déjà été formulée par son secrétaire général adjoint, le cheikh Naïm Qassem :
- « Hezbollah » a respecté intégralement le cessez-le-feu au sud du Litani.
- L’armée libanaise s’est déployée partout où elle a pu dans le Sud, sauf dans les zones où Israël a empêché son accès.
- Tout nouvel accord doit inclure un retrait israélien et la fin des agressions, surtout maintenant que la sécurité des colonies est assurée.
- Le nouveau cadre proposé par les États-Unis vise à exonérer Israël de sa responsabilité dans la guerre — c’est inacceptable.
- Le projet d’accord lie des retraits partiels israéliens au désarmement progressif de « Hezbollah » — cela est également rejeté.
- Il existe une volonté extérieure de diviser le Liban entre Israël et la Syrie afin de redessiner la carte régionale. Le véritable enjeu n’est pas le désarmement, mais la suppression de l’obstacle que représente l’armement face à l’expansion israélienne.
- Les discussions sur la stratégie de sécurité nationale ne peuvent avoir lieu qu’après un retrait israélien.
- « Hezbollah » est prêt à défendre le Liban en cas d’agression israélienne.
Il n’existe aucun conflit interne chiite, ni de désaccord entre les trois hauts responsables de l’État, qui coopèrent étroitement pour sortir le pays de la crise.
Tous les regards se tournent désormais vers la troisième visite de Barrack, qui pourrait bien être la dernière si sa mission échoue — ou, au contraire, marquer le début d’un rôle américain élargi au Liban s’il parvient à percer l’impasse.