« Le simple fait que nous soyons ici ce soir est la preuve que le Liban va très bien. »

C’est par cette phrase qu’un chanteur libanais populaire a ouvert l’un des nombreux festivals d’été organisés sous prétexte de présenter un Liban vivant, joyeux et épanoui, comme si le pays baignait dans le bonheur pendant que le monde l’admire. Le public, mêlant responsables officiels et citoyens ordinaires, est alors brandi comme gage de cette illusion.

Ce slogan d'ouverture rejoint celui d'un autre slogan pour un autre festival artistique, doté de sa propre symbolique, mais destiné à servir un objectif politique. La finalité du slogan et les objectifs de l'organisation étaient clairs pour tous.

Depuis que le Liban a accueilli les Jeux arabes de 1997, suivis des championnats régionaux et continentaux de basket en 1999 et 2000, les responsables libanais s’accrochent à ce récit: le Liban est capable d’organiser des événements internationaux et, surtout, la vie appartient aux Libanais — comme si aucun autre peuple n’était aussi digne de joie ou de dignité.

Chaque été, le même discours refait surface : un peuple qui endure, souffre, et attend « la saison prometteuse » des concerts et du tourisme. Mais ce tourisme se limite, en réalité, aux expatriés de retour — poussés par la nostalgie, le manque de pouvoir ou la volonté de soutenir financièrement leurs proches. N’est-ce pas ainsi que les Libanais perçoivent leur diaspora ?

Oui, le Liban a besoin de joie. Son peuple a soif de légèreté dans l’obscurité. Mais soyons honnêtes : le Liban ne va pas bien. Et un concert ou une scène de festival ne saurait être « la preuve ultime » du contraire.

Si le Liban allait bien, cet été offrirait plus que des illusions passagères. Des centaines de milliers de personnes ne seraient pas bloquées, incapables de rentrer chez elles au Sud ou dans la Békaa.

Si le Liban allait bien, les émissaires étrangers n’afflueraient pas pour supplier les responsables de respecter des engagements censés ouvrir la voie à une aide internationale. Le Liban, en bonne santé, n’aurait pas besoin d’aide extérieure.

Si le Liban allait bien, les armes ne resteraient pas aux mains d’une seule faction armée qui se revendique toujours de la « Résistance », alors même que sa raison d’être a expiré. Les justifications changent, mais les armes, elles, restent.

Si le Liban allait bien, la communauté internationale ne supplierait pas le pays d’adopter de véritables lois de réforme pour combattre la corruption. L’État ne serait pas rongé par des administrateurs incompétents, inactifs et parachutés à des postes qu'ils n'ont ni mérités ni honorés.

Si le Liban allait bien, les économies de toute une vie ne seraient pas évaporées, perdues entre les banques commerciales, la Banque centrale et des gouvernements successifs qui ont dépensé sans compter, avant de fuir toute responsabilité devant des citoyens, des résidents et des investisseurs floués.

Si le Liban allait bien, sa monnaie n’aurait pas perdu toute valeur. Son secteur bancaire ne serait pas irrémédiablement souillé. Et les Libanais ne seraient pas coincés dans une économie parallèle à la fois insoutenable et déstabilisante.

Si le Liban allait bien, les services publics seraient accessibles à tous. La justice serait rapide et équitable. Et nous ne serions pas encore en train d’attendre des réponses sur l’explosion du port de Beyrouth ou la longue liste des assassinats impunis.

Si le Liban allait bien, ses esprits les plus brillants ne fuiraient pas, à la recherche d’une dignité et d’un avenir qu’ils ne trouvent plus chez eux.

Le Liban ne va pas bien. Et ses dirigeants, bien entourés de leurs conseillers, ne font — au mieux — qu’essayer. Pendant ce temps, le peuple attend. Il attend des actes qui, pour l’instant, ne prennent vie que dans les rêves.