Après plus d’une décennie de désordre tarifaire, le ministère libanais des Travaux publics et des Transports a lancé une campagne pour réguler les prix des taxis reliant l’aéroport international de Beyrouth – Rafic Hariri aux différentes régions du pays. Cette initiative, attendue depuis longtemps, vise à mettre fin à l’anarchie qui régnait dans ce secteur vital. Elle a été annoncée sous deux slogans évocateurs : « À partir de maintenant… les prix sont clairs » et « Taxi de l’aéroport… pas un jeu de tarifs ! » — un message direct adressé aussi bien aux passagers qu’aux chauffeurs : le temps des prix arbitraires est révolu.
À quoi ressemble la nouvelle grille tarifaire ?
Selon le communiqué officiel du ministère, les nouveaux tarifs sont désormais exprimés en dollars américains ou en livres libanaises selon le taux du marché parallèle. Tout dépassement de ces tarifs sera sanctionné par la loi. Pour plus de transparence, un code QR est désormais affiché dans l’aéroport et sur les brochures officielles, permettant aux voyageurs d’accéder à une grille tarifaire détaillée.
Parmi les nouveaux tarifs officiels :
- 18 dollars vers Beyrouth
- 43 dollars vers Jbeil
- 57 dollars vers Tripoli
- 49 dollars vers Saïda
- 60 dollars vers Tyr
- 27 dollars vers Aley
Une réforme nécessaire… mais tardive
L’expert en transports et ingénieur Hassan Badran a qualifié cette décision de « nécessaire mais qui arrive trop tard ». Il a expliqué que l’absence de tarification officielle ces dernières années a ouvert la voie à de nombreux abus, notamment à l’encontre des touristes qui payaient souvent plusieurs fois le prix réel, sans recours possible. Il ajoute que « des tarifs clairs permettront de rétablir une certaine professionnalisation dans le secteur et d’améliorer l’image du Liban comme destination touristique accueillante et civilisée ».
Des chauffeurs de taxi mécontents
Toutefois, cette réforme ne fait pas l’unanimité. Certains chauffeurs de taxi expriment leur mécontentement, estimant que les nouveaux tarifs sont injustes dans certains cas, notamment au vu de la hausse des prix du carburant, des frais d’entretien, et des taxes informelles.
Abou Rami, chauffeur sur la ligne Jbeil–Beyrouth, estime que si le tarif fixé peut sembler raisonnable sur le papier, il ne prend pas en compte les coûts réels : « Si la voiture tombe en panne ou que le prix de l’essence monte d’un coup, il ne nous reste rien. Et puis certains chauffeurs continuent de surfacturer sans être inquiétés. »
De son côté, Fadi, un autre chauffeur, déplore l’absence de mécanisme de révision régulière des tarifs : « On n’est pas contre une tarification fixe, mais elle doit être flexible et refléter les réalités, comme les embouteillages ou les heures de pointe. Le système agit comme si tout était stable — ce qui est loin d’être le cas. »
L’essentiel : l’application
Si cette réforme envoie un signal clair de changement, sa réussite dépendra entièrement de son application sur le terrain. Dans un pays où la confiance entre l’État et les citoyens est profondément ébranlée, toute décision qui n’est pas suivie d’une mise en œuvre rigoureuse est vouée à l’échec. La question essentielle reste : les voyageurs auront-ils les moyens de faire valoir leurs droits en cas d’abus ? Et le ministère mettra-t-il en place un système rapide et fiable pour traiter les plaintes et sanctionner les contrevenants ?
En définitive, la normalisation des tarifs des taxis au départ de l’aéroport de Beyrouth constitue une avancée réglementaire attendue depuis longtemps, qui pourrait véritablement améliorer l’expérience des visiteurs comme des résidents — à condition qu’elle soit accompagnée d’un contrôle strict et d’une actualisation régulière des prix. Entre optimisme officiel et scepticisme populaire, une seule chose comptera : l’application concrète sur le terrain déterminera si le « Taxi de l’aéroport » peut enfin devenir une vitrine civilisée et fiable du Liban.