Malgré une vague croissante d’optimisme autour d’un possible accord pour mettre fin à la guerre à Gaza, parler d’un règlement imminent relève sans doute de l’exagération. On peut toutefois évoquer des avancées réelles – essentiellement dues à des concessions de la part du « Hamas » sous pression qatarie – dans un contexte de plus en plus défavorable à la poursuite d’un conflit devenu, ces dernières semaines, une guerre d’usure pour l’armée israélienne.
« Hamas » n’a pas répondu par un « oui » franc à la proposition du cadre de négociation transmise par les Qataris sur la base de l’initiative de Steve Witkoff, envoyé présidentiel américain sous Donald Trump. Il a plutôt répondu par un « oui, mais » : un accord de principe assorti d’observations multiples, formulées volontairement comme non essentielles afin de préserver une dynamique positive et de faciliter le travail des médiateurs.
Mais en réalité, les réserves exprimées par le Hamas portent sur les mêmes points qui ont toujours fait capoter les précédents accords. Trois questions majeures sont au cœur des désaccords, chacune déclinée en plusieurs volets : l’acheminement de l’aide humanitaire, le retrait israélien, et surtout, la fin officielle de la guerre.
Ce qui change aujourd’hui, c’est que le ton constructif du « Hamas » a ouvert la voie à de véritables négociations et placé le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou sous la pression croissante de Donald Trump. Cette pression constitue l’un des principaux facteurs ayant ramené Israël à la table des négociations à Doha.
Ce changement de ton est aussi lié au besoin urgent, du côté israélien, d’une trêve de deux mois pour permettre à son armée de souffler et de se réorganiser, après avoir atteint une impasse dans ses opérations à Gaza. Ce besoin a d’ailleurs créé des tensions entre l’armée et Netanyahou. Les responsables militaires lui ont indiqué que 75 % du territoire gazaoui étaient désormais sous contrôle israélien, et que l’essentiel de l’infrastructure des tunnels du Hamas – offensifs, stratégiques et tactiques – avait été détruit, ainsi qu’une large partie de ses capacités militaires et de ses combattants. Mais ils l’ont aussi averti que cela ne signifiait pas l’élimination du « Hamas », ni son incapacité à se reconstituer et à recruter.
Malgré ces acquis, les responsables israéliens admettent que le rythme des opérations reste lent, et qu’il est peu probable que l’objectif final soit atteint prochainement. Le mois de juin a d’ailleurs été le plus meurtrier depuis le début de la guerre, avec la mort de 20 soldats israéliens, pour la plupart tués par des engins explosifs improvisés posés par des unités de guérilla du « Hamas ». Ces dernières continuent d’agir de façon autonome, en dehors d’une direction centrale affaiblie depuis des mois, mais qui persiste dans sa résistance. Aux yeux de Netanyahou, cela signifie que le « Hamas » n’a pas été vaincu.
Lors de la reprise de l’offensive à Gaza, l’armée israélienne avait fixé quatre objectifs à l’« opération Chariots de Gédéon » en mai dernier : créer les conditions favorables au retour des otages, vaincre militairement le Hamas, démanteler son autorité politique, et préserver la légitimité internationale par le biais de l’aide humanitaire. Aucun de ces objectifs n’a été totalement atteint.
L’armée a dit clairement à Netanyahou : « Nous sommes à la croisée des chemins, tant sur la question des otages que sur l’avenir de Gaza ». La solution politique devient inévitable, mais la décision dépend maintenant du gouvernement, tandis que les critiques se multiplient contre les militaires, accusés de lenteur.
Le besoin israélien d’un cessez-le-feu répond aussi à une nécessité politique intérieure : calmer l’opposition, alors que la popularité de Netanyahou a brièvement augmenté après la guerre contre l’Iran. C’est dans ce contexte qu’émerge la possibilité de récupérer huit à dix otages vivants, ainsi que les dépouilles de 18 autres. Une réussite qui permettrait à Netanyahou de neutraliser une contestation croissante, notamment celle des familles des soldats tués à Gaza – un mouvement qui rappelle la « campagne des Quatre Mères » dans les années 1990, à l’époque de l’occupation israélienne du Sud-Liban. Cette mobilisation avait fortement contribué au retrait israélien de 2000.
Jusqu’à présent, le seul dossier sur lequel Netanyahou a pu sauver la face – partiellement et temporairement – est celui de l’aide humanitaire. Il est parvenu à dissocier le « Hamas » de la gestion de cette aide, mais il n’aurait probablement pas cédé sans les pressions exercées par Trump.
Côté palestinien, le besoin d’un accord, d’une trêve ou même d’un répit temporaire est encore plus pressant.
Depuis la reprise de la guerre le 18 mars, plus de 7 000 Palestiniens ont été tués. Indépendamment des gains que pourraient offrir les négociations ou d’un arrêt définitif des hostilités, une trêve de 60 jours – sans tueries, destruction, famine ni humiliation – serait en soi une avancée.
De même, l’acheminement de l’aide et du carburant, selon un protocole complet – même s’il ne répond pas entièrement aux conditions des Gazaouis – constituerait un succès face à la famine croissante.
Mais la crainte, aujourd’hui, est que tout cet optimisme ne serve qu’à Netanyahou à gagner du temps, peu importe qui finira par annoncer officiellement un accord. Il n’a jamais voulu s’engager à un cessez-le-feu permanent, et il a toujours esquivé la question d’un retrait total. Il parle d’un simple redéploiement, sans fournir de carte indiquant les zones que l’armée évacuerait. Il pourrait chercher à prolonger le conflit en imposant une équation : aide et reconstruction contre désarmement et création d’une zone tampon, en attendant une solution de long terme pour « le jour d’après » – une solution qui exclurait à la fois le Hamas et l’Autorité palestinienne.
Sauf si la pression exercée par Trump s’intensifie, assortie de garanties concernant l’avenir personnel de Netanyahou – notamment l’immunité contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Ce n’est qu’à ce moment-là que Gaza pourrait peut-être entrer dans une phase entièrement nouvelle.