Si le pouvoir de décision appartenait réellement au gouvernement libanais, celui-ci n’aurait pas attendu la réponse du « Hezbollah » à la proposition – qu’on appelle tour à tour document, calendrier ou feuille de route – présentée par l’émissaire présidentiel américain Thomas Barrack. Une feuille de route qui incite l’État à honorer enfin sa promesse : monopoliser les armes et assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire libanais par le biais de ses seules forces légitimes. Un gouvernement souverain ne demande pas la permission avant de prendre des décisions souveraines.

SI le gouvernement détenait une véritable autorité, il aurait déjà mis fin aux pratiques financières désastreuses qui ont appauvri les Libanais, confisqué leurs économies dans les banques et les ont transformés en mendiants suppliant pour quelques miettes. Ce naufrage économique est imputable à parts égales aux gouvernements successifs, à la Banque du Liban, aux banques commerciales et à un Parlement dont les commissions étaient occupées à bien d’autres choses pendant que l’essentiel restait ignoré.

SI le gouvernement tenait réellement les rênes du pouvoir, il prendrait des mesures décisives pour enrayer la crise économique et financière bien plus tôt. Il ne se serait pas nourri des économies des citoyens – en les payant au taux officiel de 15 000 livres libanaises pour un dollar, tout en percevant les taxes et frais au taux réel de 90 000. Une forme flagrante de vol légalisé.

SI le gouvernement était maître de ses décisions, il n’aurait pas choisi la solution populiste et facile : alourdir la charge fiscale sur les régions respectueuses de la loi pour pouvoir exonérer les « zones sinistrées » du Sud, de la Békaa et des banlieues sud de Beyrouth. Comme si c’était le destin de ceux qui respectent les lois de financer les dépenses publiques des zones négligées, tout comme les Libanais avaient autrefois été contraints de soutenir l’économie syrienne à l’époque de la domination politique chiite.

SI le gouvernement gouvernait réellement, il aurait fait des besoins de base – comme l’eau et l’électricité – une priorité. Il aurait attribué les marchés d’infrastructure de manière transparente, privilégiant des projets permettant d’acheminer de l’eau potable à Beyrouth à une fraction du coût de projets mal conçus visant à dépolluer le lac Qaraoun – projets voués à l’échec dès le départ, tant que les eaux usées et les déchets industriels continuent d’y affluer. Pourquoi gaspiller des millions dans l’impossible, si même les violations flagrantes ne peuvent être stoppées ?

SI le gouvernement avait réellement le contrôle, les nominations judiciaires auraient été émises de manière indépendante, sans attendre l’approbation ou les conditions de quiconque. Il aurait agi lorsqu’un ancien haut responsable, convoqué dans l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth, a refusé de comparaître devant le juge d’instruction. Il serait passé d’un rythme de tortue à une cadence plus soutenue pour pourvoir les postes vacants de l’administration publique, réaffecter le personnel excédentaire, assainir les services gangrenés et les moderniser selon les besoins de l’époque.

Si le pouvoir de décision appartenait au gouvernement, des milliers de détenus ne croupiraient pas encore dans les prisons sans accusations ni procès.

S’il détenait une réelle autorité, le gouvernement aurait dit la vérité aux Libanais : quels sont les obstacles sur son chemin, et qui sont ceux qui l’empêchent d’avancer.

SI enfin, un gouvernement digne de ce nom était en contrôle, il ne demandait pas aux citoyens de devenir ses yeux, ses oreilles et ses informateurs dans la lutte contre la corruption. L’État, avec ses institutions et ses services, connaît déjà les faits et les noms de chaque corrompu.

Si le pouvoir appartenait vraiment au gouvernement, les réformateurs seraient déjà à la tête de la reconstruction du pays.