Il y a plus de deux mille ans, l’écrivain romain Végèce lançait une phrase devenue un adage célèbre : « Si tu veux la paix, prépare la guerre » . Les dirigeants du monde ont adopté ce slogan à travers les siècles pour justifier leurs guerres, le plus récent étant le président américain Donald Trump avec sa devise « la paix par la force », précédé par Ronald Reagan dans les années 1980.
Cette équation provocatrice s’applique aujourd’hui aux guerres en cours — du Moyen-Orient et du Soudan à l’Ukraine et à son théâtre européen élargi — ainsi qu’aux conflits potentiels qui se profilent dans des régions telles que le Venezuela, la Colombie, Taïwan (avec ses ramifications chinoises, japonaises, philippines et américaines) et à travers le continent africain.
Le Liban n’échappe pas à cette logique héritée, avec une différence cruciale : il n’a toujours pas trouvé la paix après un demi-siècle de guerres épuisantes — la plus récente étant la « guerre de soutien » lancée par le Hezbollah il y a plus de deux ans, et dont les répercussions continuent à se faire sentir et menacent de conséquences encore plus graves, à moins que les efforts de dernière minute ne parviennent à les contenir.
Pourtant, les signes qui ont accompagné et suivi la visite du pape Léon XIV au Liban portent quelques indications encourageantes selon lesquelles la paix pourrait être atteinte sans davantage de guerre. Trois signaux se distinguent :
– L’appel de Sa Sainteté à renoncer aux armes et à adopter le dialogue, la négociation et la réconciliation.
– L’apparition soudaine, dans le discours du Hezbollah, de termes jamais familiers en quarante-trois ans d’existence — notamment « paix », « dialogue », « démocratie » et « coexistence ».
– La décision du président de la République de nommer une personnalité civile, politique et diplomatique à la tête de la délégation libanaise au sein du comité du « mécanisme » : l’ancien ambassadeur à Washington Simon Karam, connu pour ses positions nationales souverainistes.
Si cette démarche présidentielle est naturelle et attendue dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles et de ses initiatives en cours pour négocier avec Israël — renforcée par la coordination avec ls président du parlement Nabih Berry et le premier ministre Nawaf Salam, comme indiqué dans le communiqué présidentiel — et si l’appel du Vatican à abandonner les armes au profit du dialogue est l’expression évidente de sa mission humaniste universelle, le fait que le Hezbollah parle de paix constitue une rupture sans précédent avec sa doctrine guerrière et son vocabulaire politico-militaire.
En examinant de près ce glissement linguistique vers la « paix », il apparaît que le « Hezbollah » y a été contraint, obligé de s’aligner sur le consensus créé par la visite du pape afin de ne pas paraître en décalage — mais il a piégé cette terminologie en y greffant la logique de sa doctrine guerrière, allant jusqu’à insérer sa « trinité militaire » dans son message au prestigieux visiteur.
Il l’a également vidée de sa substance en ciblant les opposants à ses armes, déversant son hostilité sur la plupart des forces politiques, gouvernementales et populaires qui insistent pour que les armes soient exclusivement entre les mains de l’État libanais légitime et pour que celui-ci retrouve son autorité unique sur les décisions de guerre et de paix.
Il n’a pas non plus dissimulé son irritation à l’égard de la référence du président à la paix « entre les enfants d’Abraham », avec ses implications pour l’avenir des relations avec Israël, ni face à la nomination d’une personnalité civile à la tête des négociations de Naqoura. Il a plutôt choisi d’exploiter ce qu’il a présenté comme un conflit entre le président et les Forces libanaises après la non-invitation de Samir Geagea à la réception papale à Baabda — révélant un désir ou un vœu latent d’isoler ou d’affaiblir la majorité écrasante qui ne cesse de croître parmi les chrétiens.
S’engager sur la voie de la paix ne se manifeste pas seulement par des déclarations ou des messages publiés en marge d’événements particuliers, mais essentiellement par des mesures concrètes inscrites dans une trajectoire pacifique — au premier rang desquelles l’abandon des armes illégales, en particulier après la preuve de leur échec et de leur danger, ainsi que la fin des tentatives de « pêcher en eaux troubles » ou de prospérer sur la base de différends fabriqués.
Si l’adage « Si tu veux la paix, va en guerre » est valable, alors chaque guerre doit avoir une fin — contrairement à l’approche de l’Iran, qui alimente des conflits sans horizon, comme si les armes étaient une fin en soi, sanctifiées comme un totem à vénérer, ou comme une idole en carton-pâte qui se substitue au « pain et à l’eau ».
N’est-ce pas là le nouveau slogan des armes du Hezbollah, énoncé par le guide suprême iranien Ali Khamenei par la voix de son conseiller Ali Akbar Velayati ?
La foi en la paix n’est pas un texte écrit qui contredit le comportement de son auteur ; c’est un engagement réel — envers les pas assurés de Léon XIV, envers les démarches résolues de l’État libanais, et envers la volonté de l’immense majorité des Libanais aspirant à la fin des guerres et à la guérison des blessures.
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