L’Iran est entré dans une nouvelle phase de confrontation prolongée avec l’Occident, menée par les États-Unis, après que le trio européen — Royaume-Uni, France et Allemagne — a déclenché le mécanisme dit du « snapback » pour réimposer des sanctions des Nations unies contre Téhéran.

Cette décision est intervenue après une médiation russo-chinoise avortée, qui s’est soldée par le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU, sous pretexte que l’Iran n’avait pas respecté ses obligations nucléaires.

Les sanctions visent des entreprises, des organisations et des individus liés aux programmes nucléaires et balistiques de Téhéran. Elles interdisent la vente ou le transfert d’armes conventionnelles, bloquent les importations et exportations de composants et de technologies associées, gèlent les avoirs, imposent des interdictions de voyager et restreignent l’accès aux systèmes financiers susceptibles de soutenir ces activités.

Si elles visent à freiner les avancées nucléaires iraniennes, ces mesures entendent aussi infliger de nouvelles douleurs à une économie déjà exsangue, en particulier dans le secteur financier. Le rial iranien a chuté à des niveaux historiquement bas.

Mais Téhéran a déjà survécu à de tels assauts. Depuis la révolution de 1979, la République islamique a traversé des vagues d’embargos sévères. L’application de ces nouvelles sanctions se heurte à des obstacles juridiques et procéduraux au sein des États membres. Néanmoins, la décision européenne, prise sous la pression américaine, a été accueillie par un rejet ferme à Téhéran. Les responsables iraniens ont dénoncé une mesure illégale, estimant que l’Europe elle-même n’avait pas respecté ses engagements. L’Iran mise désormais sur ses alliés — la Chine et la Russie — ainsi que sur des blocs plus larges comme l’Organisation de coopération de Shanghai et les BRICS, pour maintenir son économie à flot.

Bien que les sanctions de l’ONU soient contraignantes, leur application reste souvent imparfaite. Moscou et Pékin ont rejeté le mécanisme du « snapback » qu’ils jugent illégitime. La Chine, notamment, a continué par le passé à commercer avec l’Iran malgré les sanctions américaines, offrant une bouffée d’oxygène aux exportations pétrolières iraniennes. Téhéran a ainsi réussi à rediriger ses exportations vers la Chine, des acheteurs régionaux et le marché noir — maintenant ses flux pétroliers autour de 1,5 million de barils par jour, voire davantage. La Russie pourrait suivre cette voie, bien que cela risque d’aggraver ses relations déjà tendues avec Washington, notamment sur le dossier ukrainien.

Les options de Téhéran

Les responsables iraniens ont rapidement minimisé la portée des nouvelles sanctions, les qualifiant de simple propagande psychologique. Ils rappellent que les restrictions américaines, beaucoup plus dures, sont déjà en place et profondément ancrées dans l’économie. La nouveauté est que Washington dispose désormais d’un instrument multilatéral pour renforcer sa politique de « pression maximale », surveiller les pays récalcitrants et isoler davantage l’Iran.

Téhéran, cependant, s’emploie depuis juin dernier à se réorganiser, après les frappes infligées par les États-Unis et Israël. Forts de leurs compétences scientifiques et de leurs capacités d’enrichissement, les Iraniens ont rejeté l’idée d’un retour rapide aux négociations, affirmant qu’ils ne céderaient pas sous la menace militaire.

La ligne actuelle s’apparente donc à une stratégie de fermeté calculée. Depuis juin, l’Iran a suspendu sa coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Il laisse aussi planer la menace d’une escalade : relever les niveaux d’enrichissement, rompre totalement avec l’AIEA, voire se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire. Ce retrait reste pour l’instant une carte dans la main de Téhéran, peu susceptible d’être jouée immédiatement.

Pour l’heure, l’Iran gagne du temps, contourne les sanctions et envisage de se déclarer libéré de l’accord nucléaire de 2015, dont le président américain Donald Trump s’est retiré en 2018. Confronté quotidiennement à des menaces de guerre, le régime estime n’avoir plus grand-chose à perdre. Avant 2015 déjà, les sanctions, l’embargo et les menaces militaires étaient monnaie courante.

Néanmoins, la voie diplomatique demeure ouverte, du moins à moyen terme. À l’intérieur, le régime devrait renforcer son emprise pour maintenir la stabilité. À l’échelle régionale, il devrait éviter de bouleverser le fragile équilibre établi avec ses voisins du Golfe, en particulier l’Arabie saoudite, ce qui pourrait ouvrir la voie à des ententes internationales visant à stabiliser le Moyen-Orient.

Pour Washington et ses partenaires européens, la diplomatie reste le choix privilégié, tout en brandissant la menace militaire. Le mécanisme de réactivation des sanctions représente peut-être l’un des derniers outils pacifiques pour contenir un programme nucléaire devenu plus opaque, et pourrait retarder une nouvelle frappe. Mais l’ampleur réelle des vulnérabilités nucléaires et militaires de l’Iran après les récentes attaques reste inconnue, de même que l’efficacité de ces frappes.

En définitive, l’Iran et l’Occident paraissent enfermés dans une stratégie de pression mêlée de dialogue. Dans l’ombre, des canaux parallèles pourraient préparer le terrain à de futures négociations directes. Car une dérive incontrôlée vers la guerre serait catastrophique pour toutes les parties.