Le Liban a relancé son activité diplomatique en partant du principe qu’il s’agit de la meilleure — sinon la seule — voie pour faire pression sur Israël afin qu’il se retire des positions qu’il a réoccupées dans le sud, qu’il cesse ses raids aériens sur le territoire libanais, et pour ouvrir des canaux avec la Syrie afin de régler des différends anciens. Ceux-ci vont du contrôle des frontières et de la régulation des relations bilatérales au retour des réfugiés syriens et au règlement des dossiers judiciaires et sécuritaires liés aux personnes enlevées, détenues ou disparues. En somme, la diplomatie libanaise s’emploie à gérer la crise et à éviter une guerre totale.

Une pression militaire limitée comme levier diplomatique

Les efforts diplomatiques ne peuvent être dissociés des réalités du terrain. En refusant d’abandonner ses armes, le Hezbollah exerce une pression calculée qui varie en fonction de la guerre à Gaza et des violations israéliennes. Bien que dangereuse, cette pression crée de nouvelles conditions pour la diplomatie libanaise. Les appels de Beyrouth ne se présentent plus comme de simples plaintes, mais interviennent dans un contexte explosif que personne ne souhaite voir dégénérer. Le message implicite est clair : « Nous voulons éviter la guerre, mais ce sont l’occupation israélienne et les agressions quotidiennes qui risquent de la déclencher. La solution est entre vos mains : éteignez la mèche au lieu d’attendre l’explosion. »

La légitimité internationale et la résolution 1701 comme pierre angulaire

Dans chaque forum international, les diplomates libanais insistent sur un point : le Liban respecte pleinement la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. Ils rappellent à leurs partenaires que ce texte affirme la souveraineté et l’intégrité territoriale du Liban, appelle au règlement des différends frontaliers sous l’égide des Nations unies et exige le retrait d’Israël derrière la Ligne bleue tracée après la guerre de 2006. Toute violation israélienne — qu’il s’agisse du franchissement de cette ligne ou du bombardement de zones civiles — constitue donc une transgression flagrante de la résolution internationale que ces mêmes États prétendent défendre. Ce discours place les alliés d’Israël, en particulier les États-Unis et la France, dans une position délicate, révélant la contradiction entre leur appel à un respect scrupuleux du droit international par le Liban et le Hezbollah, et leur tolérance vis-à-vis des violations répétées d’Israël.

Naviguer entre les divisions de la communauté internationale

Les diplomates libanais savent que la réponse mondiale à la crise est loin d’être unanime. Washington reste fermement aligné sur Israël, tandis que l’Europe — surtout la France, qui entretient des liens historiques avec Beyrouth — se montre plus inquiète d’un embrasement régional. La Chine et la Russie, de leur côté, continuent de critiquer les politiques israéliennes et américaines. Le Liban adapte donc son discours : face à Washington, il insiste sur la prévention de l’escalade et sur l’intérêt américain à préserver la stabilité régionale ; face aux Européens, il met en avant la légitimité internationale, les solutions politiques et la question des réfugiés, qui pourrait exploser en cas de guerre et menacer directement la sécurité du continent. Cette stratégie vise à fissurer l’apparente unité internationale et à créer des alliances temporaires favorables aux revendications libanaises.

Lier la stabilité du Liban à la paix régionale

Beyrouth se présente comme un acteur de stabilité plutôt que de destruction. Les diplomates associent systématiquement leurs appels à l’arrêt des violations israéliennes sur la frontière sud à la nécessité d’une solution régionale globale, en insistant sur l’importance d’un règlement juste de la question palestinienne. Ils soulignent aussi la fragilité du tissu confessionnel libanais et la gravité sans précédent de la crise économique, financière et humanitaire, décrivant le pays comme une « bombe à retardement ». Une guerre ne détruirait pas seulement le Liban, mais pourrait aussi déclencher une conflagration régionale et provoquer un nouvel afflux massif de réfugiés menaçant la stabilité de l’Europe. Ce message vise directement les puissances occidentales, qui considèrent le Liban comme un microcosme des difficultés de gestion de la diversité et qui redoutent de voir se répéter le scénario syrien.

Les obstacles aux efforts diplomatiques

Malgré son urgence, la démarche diplomatique libanaise se heurte à de sérieux obstacles. Le premier est l’alignement inébranlable des États-Unis sur Israël, alors même que Washington reste le principal, sinon le seul, acteur capable d’infléchir la position israélienne. Le deuxième est la faiblesse interne du Liban : si le gouvernement s’exprime généralement d’une seule voix, des fissures sont apparues lorsque les ministres chiites ont rejeté le plan de l’armée visant à imposer l’autorité de l’État et à monopoliser les armes. La coalition gouvernementale a toutefois tenu bon. Le troisième obstacle est la priorité donnée ailleurs sur la scène internationale — notamment à Gaza, où Israël mène ce que beaucoup décrivent comme une guerre d’extermination. L’attaque israélienne récente contre le Qatar a ajouté une nouvelle distraction, détournant encore davantage l’attention du Liban.