La relance des négociations entre l’Europe et l’Iran ne semble pas en mesure de déboucher sur une percée significative concernant la question nucléaire. Au contraire, la pression continue de s’accentuer sur Téhéran pour qu’il rejoigne la « maison de l’obéissance » américaine, notamment après les récentes frappes américaines, sous la menace constante de sanctions européennes rétablies.

La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont déclaré ouvertement qu’ils pourraient réactiver les sanctions des Nations unies contre l’Iran par le biais du « mécanisme de rétablissement » si Téhéran ne revenait pas à la table des négociations et n’acceptait pas un programme nucléaire pacifique comprenant l’arrêt de l’enrichissement d’uranium.

Priver les alliés de Téhéran du droit de veto

Ce mécanisme, inscrit dans l’accord nucléaire de 2015 et entériné par la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU, permet à tout signataire de saisir le Conseil si l’Iran est jugé non conforme. Cela déclenche une période de négociation d’un mois, à l’issue de laquelle, si le Conseil ne parvient pas à prolonger la suspension des sanctions antérieures, celles-ci sont automatiquement rétablies — sans vote. Ce qui revient à priver les alliés de l’Iran de leur droit de veto.

Prévu pour expirer le 18 octobre, le mécanisme visait à éviter des négociations sans fin. Mais il place désormais les Européens autant sous pression que les Iraniens.

S’il est activé, l’ONU rétablira six résolutions du Conseil de sécurité adoptées entre 2006 et 2010. Elles comprenaient un large éventail de restrictions : embargo sur les armes conventionnelles, limitations des activités liées aux missiles balistiques capables de porter des ogives nucléaires, gels d’avoirs, interdictions de voyage, restrictions pour les compagnies maritimes, les assurances et les transferts de technologie. Tout cela s’ajouterait aux sanctions américaines existantes, qui étranglent déjà l’économie iranienne et ses exportations d’énergie. Les importations, notamment militaires, seraient particulièrement touchées.

En réponse, l’Iran cherche à délégitimer les Européens comme partenaires de négociation. Téhéran affirme que puisque ces derniers n’ont pas respecté leurs engagements dans le cadre de l’accord de 2015, ils n’ont aucune autorité pour invoquer le mécanisme. Les responsables iraniens avertissent que les trois capitales européennes pourraient en payer le prix fort, en étant exclues de tout futur accord qui pourrait impliquer des investissements de plusieurs milliers de milliards.

En coulisses, l’Iran se prépare au pire. Ses responsables affirment que le coût de la guerre serait inférieur à celui de la capitulation, et ils n’excluent pas de se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire si la situation se détériorait de façon dramatique. Pour Téhéran, ni les signaux envoyés par Washington ni ceux de ses alliés ne sont rassurants.

Conditions et menaces américaines

À Washington, les voix proches d’Israël plaident pour une ligne dure. Elles exigent que l’unique objectif des discussions soit le démantèlement complet du programme nucléaire iranien, assorti de limites au rôle régional de Téhéran et de ses alliés. Ces faucons rejettent toute illusion de compromis diplomatique avec l’Iran et réclament que les négociations soient guidées par les leçons brutales de la guerre plutôt que par ce qu’ils considèrent comme la naïveté des pourparlers passés.

Ils exigent de vastes concessions iraniennes immédiates, refusant même l’ouverture des discussions sans elles. Pourtant, même si Donald Trump cède à ces pressions, la stratégie de son administration a évolué. Elle vise désormais à éviter ce que les républicains considèrent comme la grande erreur de Barack Obama : avoir commencé par exiger un « enrichissement zéro », puis avoir reculé progressivement pour aboutir au Plan d’action global conjoint (JCPOA) de 2015, qui a légitimé l’enrichissement, ignoré l’arsenal militaire iranien et libéré des milliards grâce à la levée des sanctions.

Les partisans de la ligne dure concluent que, sans le retrait de Trump du JCPOA et sans la guerre récente, l’Iran aurait déjà une bombe nucléaire. L’Agence internationale de l’énergie atomique conteste cette thèse, et en mars dernier la directrice du renseignement américain, Tulsi Gabbard, a témoigné que ses services n’avaient trouvé aucune preuve que l’Iran poursuivait activement la fabrication d’une arme.

Le débat se déroule sur fond de menaces américaines amplifiées par Benjamin Netanyahu. Luttant pour sa survie politique, le Premier ministre israélien multiplie les campagnes militaires et exige des conditions plus strictes dans tout futur accord. Ses revendications tiennent en ce qu’il appelle les « trois zéros » : enrichissement zéro, réacteurs à eau lourde zéro et matières fissiles zéro. Cela inclut le respect intégral des résolutions de l’ONU, le démantèlement de sites comme Fordo, la fin de la production d’eau lourde, l’accès illimité aux inspecteurs, la responsabilité juridique, des contrôles stricts sur les technologies à double usage et la surveillance du développement des missiles balistiques.

Fort de sa prétendue victoire dans la récente guerre contre Téhéran, Netanyahu ajoute de nouvelles lignes rouges : démantèlement de toutes les installations de production de missiles, destruction des stocks, arrêt du développement de systèmes de lancement capables de transporter des ogives nucléaires, y compris les missiles balistiques intercontinentaux pouvant frapper les États-Unis. À cela s’ajoute la fin du soutien iranien au « terrorisme » ou à la guerre par procuration, un concept vague qui englobe Gaza, le Liban, la Syrie, l’Irak, le Yémen et même l’Iran.

Les exigences envers l’Iran

En résumé, les demandes actuelles de Washington et de ses alliés se concentrent sur un objectif : que le prochain accord détruise les trois piliers des capacités nucléaires militaires de l’Iran. Cela signifie l’élimination de tout l’uranium enrichi, des centrifugeuses et des sites d’enrichissement, accompagnée d’une divulgation complète et de l’arrêt de tout travail de conception d’ogives, des recherches associées et de toute infrastructure militaire résiduelle. Dans le même temps, le programme de missiles balistiques iranien doit être totalement démantelé et placé sous une surveillance internationale stricte.

Mais Téhéran ne se rendra pas à la table des négociations en brandissant le drapeau blanc. Trump estime que les frappes militaires récentes ont repoussé de plusieurs années les projets nucléaire et militaire iraniens, mais les Iraniens, englués dans une crise économique profonde, ne montrent aucun signe de capitulation.

Au contraire, ils pourraient durcir leur position, convaincus que leur régime est menacé de l’intérieur. Une contre-offensive diplomatique pourrait rendre le retour des sanctions onusiennes inévitable et plonger la région dans des scénarios imprévisibles : le pire étant une guerre ouverte, comme ces dernières semaines, le meilleur étant le maintien d’un statu quo précaire, fragile et instable, loin de tout règlement et encore plus de la paix que Donald Trump espère.