Le Liban attend que l’armée libanaise présente son plan opérationnel pour mettre en œuvre la décision du gouvernement de « limiter toutes les armes à l’État ». En attendant, le pays est plongé dans des campagnes médiatiques et politiques orchestrées. Certaines visent à semer la peur parmi la base chiite du mouvement Amal et du « Hezbollah » en évoquant des guerres imminentes sur le front sud et le long des frontières orientales et septentrionales avec la Syrie. D’autres alertent les autorités libanaises et les partisans du désarmement, en mettant en garde contre le risque de discorde interne, voire de guerre civile.
Pourtant, les évaluations fondées sur la réalité actuelle indiquent que ni l’un ni l’autre scénario n’est probable. Deux facteurs principaux se dégagent :
Premièrement, les canaux de négociation autour du dossier des armes restent ouverts, dans l’espoir d’un compromis interne basé sur la formule « ni le loup ne meurt, ni le troupeau ne périt ».
Deuxièmement, la perspective d’une guerre apparaît limitée. Côté syrien, la nouvelle direction, contrainte par ses propres circonstances internes, n’est pas en mesure de lancer une guerre à travers la frontière libanaise, malgré les spéculations sur des « mouvements tribaux » dans la région de Qousseir.
Pendant ce temps, Israël est absorbé par sa campagne à Gaza, où il cherche à prendre un contrôle total en vue de son projet d’annexion à une « Grande Israël ». Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a récemment dévoilé la carte géographique de ce projet, à quelques semaines seulement de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre, où des développements majeurs sont attendus.
Entre ces deux dangers imminents se profile un autre défi urgent : le renouvellement du mandat de la FINUL dans le sud du Liban, qui expire à la fin du mois d’août. Ce dossier est devenu un champ de confrontation entre les États-Unis et Israël d’un côté, et le Liban ainsi que les pays contributeurs de la FINUL de l’autre. L’issue devrait occuper une place centrale lors des discussions de l’envoyé américain Tom Barak et de son adjointe Morgan Ortagus avec les responsables libanais, étant donné le lien étroit entre le mandat de la FINUL et les propositions américaines sur la frontière sud.
Les États-Unis — principaux bailleurs de fonds de la FINUL avec 150 millions de dollars par an, suivis par la Chine — ont décidé de suspendre leur contribution. Washington s’est aligné sur Israël pour mettre fin à la mission de la FINUL à moins que ses règles d’engagement ne soient modifiées afin de la transformer en une force dissuasive placée sous le Chapitre VII de la Charte de l’ONU, et pour obliger le Liban à négocier directement avec Tel-Aviv avant tout accord. Le Liban a rejeté cette approche, allant jusqu’à refuser les soi-disant « comités tripartites » qu’Ortagus avait autrefois proposés comme cadre alternatif. En cas d’absence d’accord, Washington et Tel-Aviv devraient se contenter d’une « prolongation technique » d’un an, période durant laquelle la FINUL préparerait son retrait complet. Des inquiétudes persistent quant à la capacité de l’armée libanaise à assumer les responsabilités de la FINUL. Toutefois, les partisans du plan de désarmement affirment que l’armée en est capable, d’autant plus que ce plan prévoit un financement annuel d’un milliard de dollars pendant dix ans.
À huis clos, les consultations se concentrent sur un arrangement qui placerait les armes exclusivement sous l’autorité de l’État, tout en évitant les affrontements internes. Un tel résultat priverait également Israël de prétextes pour violer le cessez-le-feu ou retarder son retrait au-delà des termes de l’accord du 27 novembre et de la résolution 1701 de l’ONU.
Le compromis envisagé prévoit que l’armée collecte les armes du « Hezbollah », mais seulement après que l’Israël aura mis fin de manière permanente aux hostilités et s’être totalement retiré des territoires libanais occupés. Le « Hezbollah », de son côté, insiste pour que le retrait israélien précède toute discussion sur ses armes dans le cadre d’une stratégie nationale de défense.
Les signes d’une percée potentielle commencent à apparaître. Le « Hezbollah » a fait une distinction entre « limiter les armes à l’État » et « désarmement ». Le député Ibrahim Moussaoui a précisé que si le premier est théoriquement possible, le second est irréaliste tant que persistent les menaces israéliennes. Il a souligné l’ouverture du « Hezbollah » au dialogue et sa volonté d’interagir avec toute initiative sérieuse.
C’est dans ce contexte qu’Ali Larijani, secrétaire général du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, s’est rendu à Beyrouth. Son voyage a été perçu comme une contre-offensive diplomatique face à la pression de Washington visant à imposer des délais pour le désarmement du « Hezbollah » au Liban et des Forces de mobilisation populaire en Irak. Il est à noter que la tournée de Larijani ne comprenait que le Liban et l’Irak.
Bien que le Premier ministre Nawaf Salam ait accueilli la visite avec froideur — contrairement à l’accueil chaleureux réservé par le président du Parlement Nabih Berri — le message de Larijani était clair : les équations qui régissaient la région avant les récentes guerres ne sont plus valables. De nouvelles équations s’imposent et Washington doit en tenir compte. Il a averti que Téhéran ne restera pas les bras croisés si une guerre éclate contre elle ou contre ses alliés au sein de « l’Axe de la résistance ». Lors de rencontres privées, Larijani a assuré que le « Hezbollah » et sa base chiite « ne seront pas abandonnés », insistant sur le fait que toute nouvelle confrontation déclencherait une « unité des fronts » à l’échelle régionale dans ce qu’il a qualifié de lutte existentielle.
En fin de compte, le résultat de la dernière mission de l’envoyé américain Barak au Liban donnera à toutes les parties une meilleure idée de l’orientation des vents — en ce qui concerne les armes du « Hezbollah », le sort de la FINUL et les répercussions du récent sommet d’Alaska entre les présidents américain Donald Trump et russe Vladimir Poutine.