Il est de plus en plus évident que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, en annonçant sa nouvelle opération militaire dans la bande de Gaza, cherche à gagner du temps jusqu’aux élections locales, prévues dans un an et deux mois. Son objectif : éviter un effondrement politique intérieur et échapper à la guillotine de son procès en cours — un processus qui, sans issue politique adéquate, pourrait mettre un terme à sa carrière.
La décision de réoccuper la ville de Gaza et la région centrale n’a donc rien de surprenant. Cependant, l’hésitation est manifeste — à la fois dans le rythme graduel de la mise en œuvre et dans le calendrier raccourci — alors que Netanyahou tente de forger une nouvelle stratégie combinant pression militaire et diplomatie.
En exerçant une pression sur le terrain, Netanyahou et ses alliés de l'extrême droite pensent pouvoir contraindre le Hamas à négocier, tout en évitant une invasion totale et coûteuse qui aggraverait la crise interne. Ils espèrent aussi qu’en renonçant à une offensive totale et en offrant quelques « issues » humanitaires, ils obtiendront une certaine compréhension internationale — un scénario hautement improbable.
Ce gouvernement d’extrême droite s’est toutefois enlisé dans un engagement dangereux qui risque d’alourdir encore le bilan humain et militaire de l’armée israélienne, tout en creusant le fossé avec l’opinion publique. Il n’a pas obtenu de résultats décisifs sur la question des otages, le Hamas restant inflexible, ce qui prolonge la crise centrale et expose davantage les captifs. Parallèlement, il cherche à mettre en œuvre un plan de déplacement forcé des habitants, notamment des zones densément peuplées de Gaza et de ses grands camps de réfugiés.
Netanyahou et ses partisans ont mal évalué le climat mondial, pensant qu’en fixant des conditions claires pour mettre fin à la guerre et gérer l’après-conflit, ils pourraient résister à la campagne internationale — qui ne cesse de gonfler — en faveur d’un État palestinien.
La nature même de cette nouvelle opération, conçue pour faire passer le temps et marquée par une certaine hésitation sur le terrain, constitue en soi un aveu de l’ampleur des pressions, qui devraient en empêcher son exécution, d’autant plus avec la résistance acharnée du Hamas.
Les objectifs officiels, bien que non nouveaux, sont désormais affirmés : détruire le Hamas, établir un contrôle sécuritaire complet sur Gaza (sans nécessairement une occupation militaire totale), récupérer les otages, et mettre en place une administration civile alternative — remplaçant même l’Autorité palestinienne — avec un parrainage arabe. Netanyahou veut garantir le calme pour les Israéliens et se doter d’une sortie « humanitaire » en créant des zones dites sûres.
Dans ce cadre, l’armée israélienne maintiendra ses positions en périphérie des principaux bastions du Hamas qu’elle n’a pu conquérir, selon la stratégie « d’encerclement et d’épuisement » proposée par le chef d’état-major adjoint Eyal Zamir, d’abord rejetée par Netanyahou. Cette approche consiste à encercler les zones contrôlées par le Hamas, à démanteler (au moins en apparence) ses infrastructures militaires souterraines et de surface, et à imposer le déplacement des habitants de Gaza, tout en maintenant la menace permanente d’une invasion.
Si le plan de déplacement — quasi irréalisable — réussit, Israël passerait à la phase suivante. Netanyahou veut pousser les civils vers les zones situées entre les corridors de Philadelphia et de Morag, où seraient installés des abris temporaires et des centres de distribution d’aide humanitaire. Mais de sérieux doutes subsistent quant à la capacité d’héberger les 800 000 à un million de déplacés prévus dans le sud de Gaza.
Netanyahou devrait laisser l’avenir de l’opération se décider au gré de son déroulement et de ses résultats — comme il l’a fait au Liban — évitant ainsi de promettre une occupation totale de l’enclave, conscient des difficultés et des risques pour les otages.
Malgré tous les efforts du gouvernement, l’opposition internationale à cette offensive reste ferme. Des puissances majeures comme la Russie, la Chine et l’Inde ont exprimé leurs objections.
Moscou estime que l’opération aggravera la situation, et y voit une violation des résolutions de l’ONU, et soutient fermement la solution des deux États et appelle à un règlement politique.
La Chine, qui entretient des relations modérées avec Israël, appuie également la solution des deux États et rejette les mesures unilatérales.
L’Inde, tout en cherchant à maintenir de bonnes relations avec Israël, a critiqué le plan et reste fidèle à son soutien historique aux droits palestiniens.
En Europe, le mouvement en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien prend de l’ampleur, même parmi les alliés traditionnels d’Israël, et devrait connaître de nouvelles avancées dans les mois à venir.
Une attente américaine de la chute du gouvernement israélien
Même les alliés les plus proches d’Israël, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont exprimé leurs réserves. Les États-Unis ne sont pas satisfaits non plus. Le président Donald Trump serait mécontent de l’inflexibilité de Netanyahou et de la catastrophe humanitaire à Gaza, qui le met dans l’embarras. Mais Washington semble, pour l’heure, privilégier l’angle humanitaire au détriment d’une avancée politique.
Quelle que soit la capacité de la communauté internationale à freiner Netanyahou, Washington veut mettre fin à la guerre et réorganiser le Moyen-Orient dans le cadre des « Accords d’Abraham » — un objectif impossible tant que Netanyahou restera au pouvoir. Son départ est perçu comme une étape indispensable vers une reconstruction complète et un règlement historique avec les Palestiniens, ouvrant la voie à une paix plus large avec le monde arabe sur la base de l’Initiative arabe de paix.
Les ambitions américaines vont bien au-delà du désir personnel de Trump de décrocher un prix Nobel de la paix. Elles sont ancrées dans une stratégie économique visant à stimuler la croissance régionale tout en marginalisant l’Iran au profit d’Israël.
Au cœur de ces ambitions se trouve le projet de Corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), un programme de plusieurs milliards de dollars destiné à contrebalancer l’initiative chinoise des « Nouvelles routes de la soie » (BRI), en particulier son axe terrestre septentrional passant par l’Asie centrale et la Russie.
Annoncé lors du sommet du G20 à New Delhi il y a deux ans, l’IMEC prévoit un réseau multimodal de chemins de fer, ports, pipelines énergétiques et infrastructures numériques reliant l’Inde à l’Europe via le Golfe et Israël.
Pour les États-Unis comme pour la communauté internationale, la fin de la guerre à Gaza est essentielle pour lancer cette vision et remodeler l’ordre géopolitique et économique de la région. Mais d’immenses défis demeurent.