La première onde de choc a éclaté lorsque le Conseil des ministres a chargé l’armée libanaise d’élaborer un plan pour récupérer les armes du « Hezbollah » et le lui soumettre avant la fin du mois. Elle a repris de plus belle deux jours plus tard lorsque le Conseil a approuvé ce que l’on a appelé le « document Barrack ».

Cette confusion provient sans doute d’un malentendu, il ne s’agissait ni du document de Barrack ni d’un texte rédigé par les États-Unis. En réalité, il s’agissait d’un document présenté par le président Joseph Aoun, décrit comme la position libanaise unifiée sur un principe qu’il avait annoncé dès le début de son mandat et que le gouvernement avait ensuite adopté dans sa déclaration ministérielle, à savoir que toutes les armes au Liban doivent être détenues exclusivement par les institutions légitimes de l’État sur l’ensemble du territoire national.

Ce principe couvre toutes les armes, lourdes, moyennes et certaines légères, qu’elles soient défensives ou offensives, détenues par des groupes armés libanais et non libanais opérant au Liban, y compris le « Hezbollah » et les autres milices gravitant dans son orbite. L’accord de cessez-le-feu de novembre 2024 a d’ailleurs explicitement énuméré les organes officiels autorisés par la loi à porter des armes, afin de clarifier la situation et de mettre fin aux tactiques dilatoires déguisées en questions.

Mais s’agissait-il vraiment d’un document libanais unifié, étant donné que des conseillers du président de la République, du président de la Chambre et du Premier ministre avaient participé à sa rédaction ? Si tel avait été le cas, le président du Parlement Nabih Berri n’aurait pas remis, de son propre chef, à l’émissaire américain un second document comportant des remarques supplémentaires émanant de lui-même et du « Hezbollah ».

Barrack s’est rendu à trois reprises au Liban, précisant clairement que sa mission consistait à transmettre la vision libanaise à l’administration américaine et à Israël, puis à attendre leur réponse au document soumis par le Liban. Il reviendra pour communiquer aux responsables libanais la réponse de Washington et de Tel Aviv à ce texte, désormais amendé des remarques précédentes.

Un autre point mérite d’être rectifié, l’argument selon lequel le « Hezbollah » refuse de remettre ses armes à Israël, au motif que, sans elles, personne ne protégerait le Sud ou le Liban, l’État ayant abandonné la région à son sort.

Mais qui, au juste, a demandé au « Hezbollah » de remettre ses armes à Israël ? Et si la question du rôle de l’État dans le Sud est légitime, la question la plus pressante devient, quelle région du Liban l’État n’a-t-il pas abandonnée ? Était-il pleinement présent, par exemple, à Akkar, Tripoli, Jbeil, Keserwan ou dans la Békaa-Ouest ? Les habitants de ces régions n’ont-ils pas, eux aussi, le sentiment que l’État a négligé ses devoirs en matière de sécurité et de développement à leur égard ? Et pourquoi n’ont-ils pas pris les armes ? Ceux qui l’ont fait pour se défendre les ont, en fin de compte, restituées.

Comment, dès lors, affirmer que l’État a abandonné le Sud, alors que les projets de développement réalisés dans cette région, en particulier après la guerre de 2006, et les budgets qui y ont été consacrés dépassent largement ceux alloués à la plupart des autres régions libanaises ? Tout comme l’accord du Caire de 1969, entre le Liban et l’OLP, avait de facto confié à Fateh le contrôle de certaines zones du Sud pour y lancer ses opérations armées contre Israël, l’accord de Doha a conféré au « Hezbollah » non seulement la mainmise sur le Sud, mais aussi sur l’ensemble du gouvernement. Il serait resté inébranlable s’il n’avait pas commis l’erreur de croire qu’il pourrait donner une leçon à Israël à travers sa « guerre de soutien » à Gaza.

Après tout cela, comment peut-on qualifier les armes d’« honneur » ou de « dignité », alors que la plupart ont été détruites avant même d’être utilisées, et que leur emploi a plongé le Liban dans le malheur ?

Comment, alors, prémunir le Liban contre l’attrait, et la malédiction, des armes ?