À présent que l’autorité exécutive libanaise a, comme annoncé, pris sa décision — placer toutes les armes exclusivement entre les mains des forces de sécurité légitimes du pays, conformément à la Constitution…
À présent qu’elle a entrepris de mettre en œuvre les clauses de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que l’accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël à la suite de la soi-disant « guerre d’appui »…
À présent qu’elle a — étonnamment — approuvé la proposition de l’envoyé américain Tom Barrack au lieu d’en adopter une libanaise…
À présent qu’elle a chargé l’armée libanaise d’élaborer un mécanisme pour collecter toutes les armes illégales dans des délais strictement définis, qui s’achèvent à la fin du mois d’août…
À présent que des ministres ont quitté les séances du Conseil des ministres en signe de protestation, tandis que d’autres ont applaudi…
À présent que des voix, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ont salué une « victoire décisive », alors qu’en contraste saisissant des convois de motos ont envahi les rues d’une nation endeuillée…
Toutes les questions sont désormais sur la table — des questions nées de prudence et d’inquiétude — en attente de réponses d’un lendemain incertain :
Le nouveau leadership libanais a-t-il enfin tenu l’une de ses promesses les plus importantes envers les puissances étrangères qui l’ont aidé à accéder au pouvoir ?
A-t-il pris en considération les avertissements de ceux qui craignent que cette décision — qualifiée de charnière — ne déclenche une guerre civile ? Ou bien ignore-t-il toute opposition, pourvu que son parrain extérieur soit satisfait ?
Les assurances du président Joseph Aoun, affirmant qu’il n’y a aucun risque de guerre, et la fermeté du Premier ministre Nawaf Salam en lisant les résolutions, suffisent-elles à nous convaincre que l’avenir sera effectivement radieux ?
Quelle sera la prochaine étape pour les ministres du « Hezbollah » et du « Mouvement Amal », après avoir exprimé leurs objections lors des séances du Conseil des ministres de mardi et jeudi derniers, puis quitté la salle ?
Vont-ils intensifier leur opposition — voire démissionner — surtout après ce que l’on a décrit comme des réactions populaires spontanées ?
De telles démissions ne plongeraient-elles pas le pays dans le chaos politique, pouvant mener à la guerre si chaque camp campe sur ses positions, dans la conviction que le scénario dicté par les parrains internationaux est déjà écrit, même si son exécution a été retardée de huit mois ?
De telles démissions, point culminant de l’escalade, ne provoqueraient-elles pas à leur tour la démission de ministres favorables au désarmement — ce qui ferait chuter le gouvernement et entraînerait une nouvelle crise de formation ? Après tout, aucun gouvernement ne peut être formé sans un composant national essentiel ; aucune décision contraire au « vivre ensemble » ne peut revendiquer de légitimité, comme le stipule le préambule de la Constitution. En réalité, qui, au sein de la communauté chiite, oserait accepter un poste ministériel dans ces conditions — surtout si on le qualifie de « chiite des ambassades » ?
L’unité de position chiite peut-elle durer indéfiniment, ou bien les divergences apparaîtront-elles plus tard, chaque partie ayant ses propres calculs ?
Les deux factions chiites pourraient-elles reconsidérer leurs choix depuis qu’elles ont accepté le cessez-le-feu avec Israël, élu Joseph Aoun président, rejoint le gouvernement de Nawaf Salam et approuvé sa déclaration ministérielle ? Sont-elles satisfaites de l’évolution des événements — ou est-il déjà « trop tard pour les regrets » ?
Le mécanisme de désarmement de l’armée libanaise sera-t-il prêt d’ici la fin août ? S’il l’est et qu’il est lancé, se déroulera-t-il en douceur ? Sinon, Israël interviendra-t-il par des bombardements, des frappes aériennes et des assassinats — comme depuis le cessez-le-feu — pour forcer le désarmement ? Ou bien certains espèrent-ils faire appel aux forces d’Ahmad al-Charaa pour y parvenir ?
Si le président, dans son dialogue avec le « Hezbollah », préfère l’entente à l’affrontement — contrairement à certains ministres et forces locales qui réclament le désarmement par la force — est-ce simplement une stratégie pour gagner du temps ? Après tout, la mise au point du plan de l’armée prendra du temps, peut-être en attendant l’issue des négociations américano-iraniennes et leurs répercussions, positives ou négatives, sur le Liban.
Les forces célébrant la décision du désarmement — dont les voix montent comme des coups de feu tirés en l’air — peuvent-elles expliquer leur rôle réel dans la collecte effective des armes, au-delà des discours et des démonstrations de bravoure ? Et si elles se vantent de cette « victoire éclatante » mais se présentent aux prochaines législatives sans remporter ne serait-ce qu’un seul des 27 sièges chiites, que se passera-t-il ?
Puisque les armes du « Hezbollah » ne constituent plus un facteur de dissuasion face à Israël, leur remise à l’armée libanaise équivaut-elle à abandonner un atout, même faible, sans rien obtenir en échange ?
Et qu’en est-il des armes palestiniennes, dont la remise avait été décidée il y a deux mois, mais qui sont toujours là ?
Enfin — et surtout — les États-Unis, dont l’envoyé Tom Barrack et le Département d’État ont salué la décision du gouvernement libanais, peuvent-ils garantir que Benjamin Netanyahou ne « fera pas cavalier seul » et ne fera pas voler en éclats tous les engagements ? Surtout sachant que Barrack a lui-même reconnu, à la fin de sa dernière visite au Liban, que Washington ne peut pas exercer de pression sur Israël.
Des questions anxieuses — et bien d’autres encore. Mais qui pourra y répondre, sinon ce lendemain incertain ?