Le divorce est enfin prononcé — définitif, sans appel. L’État libanais et le « Hezbollah » se séparent, mettant fin à un mariage forcé qui a duré des décennies, laissant derrière lui un foyer éclaté, une société fragmentée et un pays suspendu entre guerres et incertitudes.

De cette union contrainte sont nés des enfants illégitimes, tous plus déstabilisants les uns que les autres : « Les armes protègent les armes », « Le tiers paralysant », « La trilogie armée-peuple-résistance », « L’unité des fronts », « La stratégie défensive » et, le plus récent, « Le dialogue sur les armes ».

Tous ces concepts obsolètes ont été balayés d’un trait par une décision adoptée il y a deux jours par le Conseil des ministres libanais, et renforcée aujourd’hui par une feuille de route sécuritaire remise par l’émissaire américain Thomas Barrack. L’État n’avait pas le luxe de choisir. Une seule voie s’imposait : celle du sauvetage, appuyée par une convergence rare de volontés libanaises, arabes et internationales. On peut le dire sans exagération : rien ne sera plus comme avant. À l’image d’un jugement « exécutoire de plein droit », la décision s’applique, que le « Hezbollah » l’accepte ou non — même s’il la qualifie de « faute majeure » et fait mine qu’elle « n’a jamais existé ».

Les quatre premiers « enfants » de cette alliance contre-nature avaient déjà été mis hors-jeu, d’abord par la formation d’un gouvernement affranchi du « tiers de blocage », ensuite par une guerre qui a effondré les slogans du parti : « les armes protègent les armes », « la trilogie » et « l’unité des fronts ». Aujourd’hui, la décision de l’État scelle le sort des deux derniers : « la stratégie défensive » et le « dialogue sur les armes », désormais classés sous scellés rouges.

Ces dernières semaines, le « Hezbollah » s’était accroché au terme « stratégie défensive » comme à une béquille, y voyant un prétexte pour refuser le désarmement. Mais cette formule n’était qu’un paravent, un artifice destiné à maintenir son arsenal au nom de la « résistance », comme si aucun changement n’avait eu lieu dans les équilibres régionaux, comme si l’« Axe de la résistance » n’avait pas subi revers sur revers.

Avec cette décision structurelle et fondatrice du gouvernement libanais, seules les institutions légitimes de l’État sont désormais habilitées à définir une « stratégie nationale de sécurité », telle que prévue par le discours d’investiture du président et la déclaration ministérielle. Le « Hezbollah », en tant que parti politique, n’a aucun statut particulier dans ce processus, si ce n’est sa représentation au sein du Parlement ou du Conseil des ministres.

Quant au désormais défunt « dialogue sur les armes », vidé de toute substance au fil de mois de réunions stériles, il a été abandonné. Il n’était qu’un moyen de gagner du temps, une manœuvre pour retarder ou neutraliser la promesse du président Joseph Aoun de régler la question des armes par la voie du dialogue. Désormais, le dossier entre en phase d’exécution : l’armée libanaise a jusqu’à fin août pour élaborer un plan de désarmement, et jusqu’à la fin de l’année pour le mettre en œuvre.

Face à ce tournant, la réaction du « Hezbollah » était prévisible. Ses dirigeants — au premier rang desquels le secrétaire général adjoint cheikh Naïm Qassem — ainsi que des figures religieuses alliées (à l’exception notable du président du parlement Nabih Berri), ont haussé le ton. Menaces de descente dans la rue, cortèges à moto, allusions à un nouveau « 7 mai », chemises noires et spectre d’une guerre confessionnelle : toute une mise en scène destinée à dissimuler le malaise et la perte de repères du parti, comme les derniers soubresauts d’un pouvoir en déclin.

Même les agressions sporadiques contre l’armée — sur la plage de Tyr, à la caserne de Hermel ou ailleurs — ne sont que des éclats émotionnels contre la décision de l’État, suscitant davantage de rejet populaire envers leurs auteurs.

La fermeté du tandem présidentiel, soutenue par une majorité claire au sein du gouvernement, mais aussi par l’appui de vastes segments de la classe politique, de l’opinion publique, des pays du Golfe, de la France, des États-Unis et d’une grande partie de la communauté internationale, a replacé l’État sur la voie de la reconquête de sa souveraineté, avec le monopole exclusif de l’usage de la force et du droit de déclarer la guerre ou la paix.

Même le geste hautement symbolique de débaptiser l’avenue Hafez el-Assad pour lui donner le nom de Ziad Rahbani s’inscrit dans ce processus de rupture avec un héritage nuisible à la souveraineté nationale.

Dans ce contexte, le « Hezbollah » aurait tout intérêt à revoir sa position — si Téhéran lui en laisse la marge. Le parti doit mesurer l’isolement dans lequel il s’est lui-même plongé, et les dangers qui l’attendent s’il persiste à contester la décision de l’État de monopoliser les armes, en feignant qu’elle n’existe pas.

Il devrait également prêter attention à l’effondrement progressif de ses alliances, malgré ses efforts désespérés pour les ressouder autour de ses armes et de promesses électorales. Car ces anciens alliés ont désormais publiquement déclaré leur soutien à un monopole des armes par l’armée libanaise — un signe évident du malaise qui les gagne face à la tempête politique qui se lève contre le « Hezbollah », de Baabda à la Sérail, peut-être même jusqu’à Aïn el-Tiné, en passant par Riyad, les capitales du Golfe, Paris, Washington, et bien d’autres.

Mais cette alliance solitaire avec l’Iran, soutenue par les résidus de ses réseaux en Irak et au Yémen, suffira-t-elle à contenir le raz-de-marée qui se dresse contre ses armes ?

Le déni et l’autodestruction peuvent-ils vraiment être confondus avec une promesse divine de « jardins sous lesquels coulent les rivières » ?

Peut-être que dans le silence de ses retranchements, le « Hezbollah » se murmure les vers du poète Al-Aʿshā :

« Tel un bouc heurtant un rocher pour l’ébranler —

Mais le roc ne broncha pas, et le bouc s’en ensanglanta la corne. »