Les États-Unis connaissent parfaitement l’ampleur réelle des capacités militaires de l’État libanais. Washington fournit des armes au Liban, approvisionne l’armée en munitions, assure les pièces de rechange pour ses véhicules et son aviation, et autorise des tiers à lui vendre du matériel. Depuis des années, ils apportent également un soutien financier à l’armée et forment ses officiers selon les besoins et les spécialités.

Les États-Unis ont aussi une vision claire des capacités financières et militaires du « Hezbollah », et de ce qu’il en reste après les frappes israéliennes incessantes. Ils comprennent l’influence du groupe, l’ampleur de son réseau de partisans et la taille de ses opposants déclarés — et non déclarés. Washington connaît également son environnement social, y compris ceux qui préfèrent « rester dans leur peau » et garder le silence.

La question se pose donc : si les États-Unis savent tout cela, pourquoi insistent-ils pour que l’État libanais récupère les armes du « Hezbollah » — ainsi que celles de toutes les autres milices et factions armées — dans des délais précis ?

La réponse est simple et sans équivoque : Washington veut s’assurer que le gouvernement libanais est, cette fois, réellement déterminé à honorer les engagements qu’il a publiquement réaffirmés à plusieurs reprises. L’expérience américaine avec les gouvernements libanais successifs — tout comme celle d’autres pays amis qui ont tendu la main — a été faite de déceptions à répétition. Ils ont entendu des promesses éloquentes, mais n’ont vu aucune action concrète et crédible prouvant la volonté réelle de l’État de tenir parole.

Ce n’est pas une attaque directe contre le cabinet actuel en particulier. La plupart de ses ministres sont des novices dans l’administration publique et la vie politique. Cependant, le vice-Premier ministre et les ministres des Finances et de la Culture ont siégé dans des gouvernements précédents. Ils savent combien de fois les cabinets précédents, y compris ceux auxquels ils appartiennent, sont revenus sur leurs engagements signés. Ils ont vu des gouvernements exceller dans l’art de trouver des excuses et des circonstances atténuantes pour justifier leurs revirements — rares furent convaincantes, la plupart sentaient le mensonge et la corruption.

Comment, alors, ce gouvernement gère-t-il l’engagement de « l’exclusivité des armes aux mains de l’État » ? Parfois, en affirmant respecter le principe, mais sans fixer de calendrier. D’autres fois, en l’assortissant de conditions ou en le renvoyant au président de la République au motif qu’il est en contact direct avec le « Hezbollah » sur ce sujet. Et encore d’autres fois, en invoquant l’évolution du contexte régional. Aucune de ces approches ne traduit une réelle volonté — elles reflètent plutôt le même schéma que les gouvernements précédents : gagner du temps, ou plus exactement le gaspiller.

Ce comportement rappelle la manière dont les gouvernements successifs, depuis au moins 2001, ont traité les réformes structurelles, la lutte contre la corruption, la relance économique, la privatisation et la correction budgétaire. Le Liban s’était engagé sur ces réformes lors de Paris I (février 2001), Paris II (novembre 2002), Paris III (janvier 2007) et Paris IV — rebaptisé CEDRE (avril 2018).

Pourtant, l’État libanais n’a mis en œuvre que les réformes qu’il ne pouvait éviter. Il n’a combattu la corruption qu’à l’échelle des petits escrocs, sans jamais s’attaquer aux réseaux enracinés. Il n’a pas redressé sa trajectoire budgétaire, tandis que l’aide internationale finissait en grande partie dans les poches des bien placés. Résultat ? Des milliards promis en aide, le Liban n’a reçu que « l’oreille du chameau », avant l’explosion de la crise d’octobre 2019. Depuis, les gouvernements successifs — y compris l’actuel — continuent d’esquiver les questions fondamentales.

Si les États-Unis font pression sur l’État libanais pour mesurer sa détermination, nous, Libanais, sommes encore plus impatients de constater cette détermination nous-mêmes. Car autant nous avons été pleins d’espoir, autant nous vivons aujourd’hui avec une décourageante déception.