Alors que le débat s’intensifie sur la réponse du Liban à la proposition américaine, un dîner familial a réuni le président Joseph Aoun et le président du Parlement Nabih Berri. Aoun cherche à maintenir l’unité du duo chiite et à préserver de bonnes relations avec Berri.

Il n’est pas exagéré de dire que tous les regards se tournent aujourd’hui vers Nabih Berri, président du Parlement et maître des compromis politiques, reconnu depuis longtemps pour sa capacité à conclure des accords et trouver des solutions. Ses moindres faits et gestes sont scrutés de près, alors que les discussions autour du document américain et de ses clauses sur les armes, la délimitation des frontières et les réformes arrivent à un point culminant.

Berri est au cœur des négociations sur la réponse libanaise à la proposition de l’émissaire américain Tom Barrack. À travers lui, la communication passe avec le « Hezbollah ». Par ses rencontres avec son partenaire au sein du duo chiite, Berri cherche à forger une position qui préserve les atouts du Liban sans céder de concessions, espérant ainsi éviter une grave crise si le pays ne répond pas dans les délais impartis.

Depuis qu’il a reçu le document, Berri plaide pour un retour à l’accord précédent, obtenu sous garantie américaine mais que l’Israël n’a jamais respecté. Il estime qu’il n’est pas nécessaire de conclure un nouvel accord et insiste pour qu’Israël soit contraint de mettre en œuvre l’ancien. Par ses contacts permanents avec le « Hezbollah », il s’emploie à élaborer une réponse qui n'affaiblit pas le parti, préservant son droit symbolique à la résistance, convaincu que l’option militaire n’est plus ni envisageable ni utile.

Dans ses rencontres avec les émissaires occidentaux, Berri ne cesse d’interroger sur les garanties : pourquoi Israël ne respecte-t-il pas ses engagements à répétition, et comment l’obliger à honorer un nouvel accord ?

Que ce soit dans l’entourage de Berri ou auprès de ses alliés chiites, le sentiment est clair : certains cherchent à priver le Liban de ses leviers pour contrôler l’orientation et l’avenir du pays.

Les discussions en cours révèlent la flexibilité de Berri face à la proposition américaine, en contraste frappant avec l’intransigeance du « Hezbollah ». Ce n’est pas la première fois que Berri se montre souple pour éviter le pire : lors de la guerre israélienne contre le Liban, quand le « Hezbollah » avait refusé de participer à un accord de cessez-le-feu, Berri avait menacé de se retirer des négociations si un accord n’était pas conclu. On raconte que sans cette intervention, la banlieue sud de Beyrouth aurait été entièrement détruite.

Aujourd’hui, l’histoire se répète, et l’attention internationale se concentre à nouveau sur Berri, qui tente de naviguer entre le refus du « Hezbollah » — considérant la proposition comme favorable à Israël — et la pression internationale pour désarmer le parti, appliquer les réformes et délimiter les frontières. Des dossiers qui touchent au cœur même du duo chiite et le placent sous les projecteurs mondiaux.

La situation s’est aggravée au point que certains réclament des sanctions contre Berri s’il ne cède pas aux exigences internationales. Depuis l’élection présidentielle et la formation du gouvernement, une tendance claire se dessine parmi les acteurs internationaux pour marginaliser le duo chiite et le pousser dans ses retranchements par tous les moyens. Les élections municipales en ont été un exemple manifeste, visant à affaiblir le duo — une stratégie qui devrait se poursuivre lors des prochaines législatives.

Cette confrontation ouverte avec le duo n’épargne personne, pas même Berri en tant que président du Parlement. Le combat n’est pas limité aux pressions extérieures  ; il inclut aussi des acteurs internes, comme en témoignent les séances parlementaires, l’attitude frontale des députés de l’opposition à son égard, les tensions sur les nominations judiciaires — notamment le rejet de son candidat chiite au poste de procureur financier — et les batailles sur les nominations financières, en particulier son insistance à maintenir Wassim Mansouri comme premier vice-gouverneur de la Banque du Liban.

Alors que certains acteurs étrangers cherchent l’affrontement avec Berri, le président Aoun s’efforce de calmer le jeu et de préserver une relation équilibrée entre les deux présidences — ce qui a irrité le Premier ministre, dont l’entourage évoque un supposé pacte chiite-chrétien visant à marginaliser le président sunnite. Conscients de cela, le duo chiite a entrepris de se montrer plus ouvert envers Najib Mikati et Salam.

Pendant ce temps, le bras de fer américain avec Berri est loin d’être terminé. Washington a désormais les yeux rivés sur les législatives, où l’élection de six députés représentant la diaspora est devenue un levier pour accentuer la pression sur le duo chiite. Berri se retrouve dans une position délicate : il s’oppose aux députés de la diaspora pour des raisons législatives et de représentativité, tout en sachant que le vote des expatriés ne jouerait pas en faveur du duo, notamment en raison des difficultés pour les partisans du « Hezbollah » de voter dans les pays du Golfe.

C’est un affrontement silencieux que Berri mène avec prudence et ouverture, marchant sur une ligne de crête entre les clauses de la proposition américaine — visant à réduire la présence et les armes du « Hezbollah » — et les efforts pour affaiblir la représentation parlementaire du duo chiite, épuiser sa base par le retard de la reconstruction et des compensations, et imposer des conditions sévères qui le placent face à un « choix entre le moindre mal et le pire ».