Le Liban a retenu son souffle pendant plusieurs jours alors que la guerre israélienne contre l’Iran faisait rage. La tension a redoublé lorsque le « Hezbollah » a laissé entendre qu’il ne resterait pas neutre — une posture assimilée à un doigt posé sur la gâchette, annonçant un possible embrasement, surtout après que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a menacé d’assassiner le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei. Les avertissements n’ont pas tardé à affluer vers le Liban, l’un des plus récents étant celui de l’émissaire américain Thomas Barack, qui a mis en garde contre une reprise des hostilités par Israël si le « Hezbollah » intervenait.

Le conflit a atteint un nouveau palier avec les frappes américaines sur les installations nucléaires iraniennes. Puis, dans un retournement inattendu, la guerre a pris fin brutalement après un équilibre des représailles entre l’Iran, Israël et les États-Unis. Ironiquement, le « Hezbollah », pourtant en état d’alerte maximale au Liban, a appris comme tout le monde la fin des hostilités — avec soulagement. Un souffle de répit mêlé à une prudente espérance.

Aligné sur la lecture iranienne, le « Hezbollah » considère que la République islamique est sortie victorieuse du conflit. L’Iran a réussi à frapper en profondeur le territoire israélien, dans une guerre qui aurait pu l’épuiser sans l’intervention américaine. Parmi les objectifs déclarés figuraient la chute du régime iranien et la destruction de ses installations nucléaires. Le premier a échoué : le pouvoir en place a tenu bon, renforcé même par le ralliement populaire face à l’agression israélienne. Quant aux installations nucléaires, elles ont été endommagées sans être anéanties — ce qui pourrait ralentir l’enrichissement de l’uranium, mais ne l’arrêtera pas. Téhéran a d’ailleurs annoncé qu’elle ne coopérerait plus avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

De son côté, Israël sort de cette guerre sans gains évidents — et même avec un revers politique intérieur — malgré un message de soutien du président américain Donald Trump à Netanyahou, saluant la participation d’Israël au conflit.

Fait marquant : cette guerre brutale a pris fin à travers un accord informel irano-américano-qatari, sans cessez-le-feu officiel ni cadre politique défini. De quoi laisser planer le risque d’un nouveau conflit, d’autant qu’aucun dispositif dissuasif n’a été mis en place pour encadrer les futures actions israéliennes. Beaucoup s’attendaient à ce que l’Iran cherche à conclure un accord global incluant Gaza et le Liban — ce qui ne s’est pas concrétisé.

Le Liban a eu de la chance : la guerre a pris fin sans l’intervention du « Hezbollah ». Plus prometteur encore, le parti semble disposé à étudier la proposition américaine remise par l’envoyé Barack, qui évoque un retrait israélien conditionné du Liban. Une copie du document a été transmise au « Hezbollah », et elle est actuellement examinée par les trois présidences libanaises, dans l’espoir d’une position nationale unifiée.

Cela pourrait marquer un tournant historique : le « Hezbollah » pourrait, pour la première fois, se placer derrière l’État au lieu de s’y opposer. Le parti semble prêt à discuter de la limitation des armes aux seules mains de l’État, même si le sujet serait abordé sous un angle différent. Une volonté de dialogue existe — et le « Hezbollah » avait déjà accepté par le passé le principe de discussions sur la question de son armement.

De la même manière que l’Iran s’est aligné sur les exigences américaines pour mettre fin à la guerre, en coordonnant ses frappes depuis le territoire qatari en guise de message à Washington, le « Hezbollah » laissera-t-il lui aussi la porte ouverte au dialogue au Liban ?

Le Liban a accueilli la fin de la guerre israélo-iranienne avec soulagement et observe désormais avec attention les prochaines décisions du « Hezbollah ». Le parti est attendu avec une réponse à la proposition américaine, qui insiste sur la nécessité d’un monopole étatique sur les armes comme condition préalable à un retrait israélien. Le document propose aussi des mesures de confiance, esquisse le rôle futur de l’armée libanaise, et fait l’objet d’un engagement international à soutenir son déploiement le long de la frontière avec Israël.

Cette guerre-éclair a ouvert une nouvelle réalité dans la région. Même si le « Hezbollah » considère le résultat comme une victoire pour le régime iranien, ce succès ne ramènera pas le « camp de la résistance » à son statut antérieur. La région entre désormais dans une phase d’accords politiques initiés par l’administration Trump. Le Liban est appelé à en faire partie, à condition qu’il applique la résolution 1701 de l’ONU, désarme les groupes armés non étatiques, et engage la reconstruction après un retrait israélien.

Mais le Liban d’après-guerre reste sans horizon clair. L’enjeu dépasse le désarmement du « Hezbollah » : il englobe les réformes de l’État et la reconstruction. La guerre est finie, la région entre dans une ère irano-américaine, et pourtant, le Liban reste sans plan global, qu’il s’agisse de sécurité, de réformes ou de relance économique. Cette incertitude pourrait pousser les États-Unis à se désengager, comme l’a laissé entendre l’envoyé Barack en déclarant : « Profitez de l’intérêt de Trump pour le Liban avant que sa patience ne s’épuise et que les priorités de son administration ne changent. »

Alors que la région se dirige vers la désescalade, la diplomatie et les compromis, le Liban s’enfonce dans le flou — sans gouvernement réel ni gouvernance fonctionnelle — spectateur passif des événements, sans feuille de route.

Désormais, la balle est dans le camp du « Hezbollah ». Soutiendra-t-il un État capable de protéger sa base sociale sinistrée — éprouvée par les frappes israéliennes — ou la maintiendra-t-il en marge, déplacée à l’intérieur comme à l’extérieur, exclue des bienfaits de la stabilité et de l’aide internationale ?

Le Liban a souvent été un acteur passif, un spectateur aveugle. Il pourrait, cette fois, saisir une chance de s’engager activement.

Comme l’a rappelé le vétéran Walid Joumblatt : « J’ai œuvré à la centralisation et à la remise des armes du Parti socialiste à l’État. Aujourd’hui, une nouvelle page s’ouvre au Moyen-Orient. » Il a ajouté : « Dans ce round, Israël et l’Occident — avec les États-Unis — ont remporté la victoire », appelant toutes les parties à remettre leurs armes à l’État. C’est peut-être le début d’un tournant majeur. Le « Hezbollah » s’y pliera-t-il, fort de sa flexibilité et sous l’impulsion iranienne ?