Avec le temps, ce dernier est devenu le principal ennemi d’Israël dans ce qui s’est transformé en véritable guerre d’usure avec l’Iran — la première du genre dans l’histoire de l’État hébreu, bien qu’elle soit loin d’être inédite pour l’Iran, qui mise sur le facteur temps.

Alors que les Israéliens restent en grande partie unis derrière l’idée de combattre les Iraniens, plus de dix jours après le lancement d’une guerre par Israël sous le prétexte de stopper les ambitions nucléaires de Téhéran, le pays fait face à un nouveau type de conflit — différent en ampleur et en nature de tout ce qu’il a connu jusqu’ici. Chaque jour, les Israéliens pèsent le coût de la guerre — notamment sur les civils — face aux succès limités enregistrés jusque-là. Ces succès restent en deçà des objectifs plus vastes, souvent non dits.

Un débat intérieur commence à fissurer ce consensus initial. Des voix dans les médias, ainsi qu’au sein de la classe politique et militaire, passée ou présente, s’interrogent désormais sur l’avenir proche si la guerre devait se poursuivre ainsi.

La principale préoccupation est désormais le sentiment de sécurité des Israéliens et le coût humain, que les responsables gouvernementaux jugent inférieur aux estimations initiales. Pourtant, cette sécurité personnelle, caractéristique de l’État depuis sa fondation en 1948, semble aujourd’hui vaciller face à des scènes de destruction sans précédent, qui éclipsent les gains militaires que les dirigeants israéliens ont jusqu’ici su habilement mettre en avant.

Parallèlement, le lourd tribut humain, économique, social et humanitaire met à l’épreuve le gouvernement le plus radical qu’Israël ait jamais connu. Les acquis réalisés risquent de s’effriter jour après jour, car ils demeurent tactiques plutôt que stratégiques.

La confusion entoure également les objectifs déclarés de cette guerre. Au départ, il s’agissait de détruire le programme nucléaire iranien. Puis, dans un élan d’enthousiasme, l’objectif s’est mué en une volonté de faire tomber le régime de Téhéran, avec des appels au soulèvement populaire iranien. Désormais, à mesure que l’Iran reprend l’initiative, les dirigeants israéliens affichent des ambitions plus modestes en public.

L’Iran, qui a connu huit années de guerre d’usure contre l’Irak — marquées par des bombardements de villes, des sanctions, des sièges et des troubles internes — reste uni dans son hostilité envers Israël. Cette hostilité, enracinée dans les raisons mêmes qui ont conduit la révolution islamique à renverser le Shah, n’a fait que se renforcer sous les politiques israéliennes et la guerre en cours.

Cela explique l’absence de signes de mécontentement populaire, militaire ou diplomatique au sein de l’Iran qui pourrait menacer le régime. Renverser un régime qui gouverne 90 millions d’habitants ne peut se faire par des frappes aériennes seules. L’exemple de l’Irak de Saddam Hussein est éloquent : malgré plus d’une décennie de bombardements et de sanctions, son régime n’est tombé qu’à la suite d’une invasion terrestre.

Israël semble croire que l’élimination du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, pourrait précipiter la chute du régime. Si le Premier ministre Benjamin Netanyahu est resté plus discret que son ministre de la Défense Israël Katz et d’autres sur cet objectif, l’intention est claire. Mais même si cet acte était accompli, il est peu probable qu’il déstabilise le régime ou change fondamentalement le cours de la guerre, et il pourrait entraîner des conséquences graves pour Israël et la région.

Cette divergence d’objectifs met en lumière les différences entre Netanyahu et le président américain Donald Trump. Si Trump pourrait se réjouir de la chute du régime iranien, il ne veut pas en payer le prix et semble jusqu’ici satisfait d’une guerre qui pousse l’Iran vers des négociations selon ses conditions draconiennes.

En Israël, malgré des succès militaires partiels, Netanyahu est critiqué pour l’absence d’un plan post-frappes contre l’Iran. Cela a alimenté le débat interne et contraint le Premier ministre à une posture défensive, comptant sur l’implication récente des États-Unis pour se désengager d’une initiative qui n’a même pas atteint son objectif nucléaire initial.

En privé, certaines analyses israéliennes — rarement exprimées publiquement pour préserver l’unité en temps de guerre — reconnaissent que les destructions infligées à l’Iran ne sont que des douleurs temporaires. Elles ne stopperont pas son programme nucléaire, ne démantèleront pas ses capacités balistiques et de dissuasion, et ne l’empêcheront pas de frapper Israël à l’avenir.

Si ce débat interne n’a pas encore conduit à une opposition franche à la guerre, il soulève des questions sur son avenir et sur le coût que devront supporter les Israéliens ordinaires, à travers l’inflation galopante et les pénuries de carburant, comme l’a relevé la presse locale.

Certains mettent en garde contre un gouvernement populiste de droite qui pourrait ne voir aucune raison de mettre fin à une guerre qui sert son agenda à court terme. D’autres redoutent que Netanyahu ne cherche à engranger de nouveaux succès médiatiques pour rassurer un public de plus en plus inquiet et immergé dans la propagande gouvernementale.

Pour l’heure, Netanyahu semble décidé à poursuivre les efforts visant à affaiblir les capacités balistiques, défensives et infrastructurelles iraniennes, ainsi que les assassinats ciblés, dans le cadre d’une vaste liste d’objectifs.

Mais la plus grande incertitude pour les Israéliens reste la durée de cette guerre — une guerre dont l’Iran pourrait bien, au final, choisir seul le moment et la manière dont elle se terminera, si elle devait se stabiliser en affrontement bilatéral direct.