Depuis le déclenchement de la guerre irano-israélienne, les spéculations vont bon train sur ses éventuelles répercussions au Liban. La grande question reste de savoir si « Hezbollah » s’engagera militairement aux côtés de l’Iran et, dans ce cas, quelle serait la riposte d’Israël.

Ces interrogations s’accompagnent de nombreux scénarios, certains prédisant que « Hezbollah » pourrait rejoindre le conflit, ce qui inciterait Israël à intensifier la guerre qu’il mène déjà contre le mouvement, malgré le cessez-le-feu conclu le 27 novembre dernier. Dans le même temps, des responsables politiques et officiels multiplient les mises en garde à l’encontre de « Hezbollah », soulignant les lourdes conséquences qu’aurait un tel engagement aux côtés de l’Iran, d’autant plus qu’Israël n’a toujours pas appliqué le cessez-le-feu ni lancé la reconstruction promise.

Certains vont même jusqu’à appeler à accélérer le processus de désarmement du « Hezbollah » sous la pression de cette guerre contre l’Iran, indépendamment du dialogue en cours entre le président Joseph Aoun et la direction du mouvement. Dialogue qui a récemment abouti à un accord consistant à laisser ce dossier en suspens en attendant le succès des efforts diplomatiques pour obtenir le retrait israélien complet et l’application de la résolution 1701 des Nations Unies, avant d’entamer les discussions sur une stratégie nationale de défense, qui déterminerait le sort des armes.

Plus directement, certains cercles politiques estiment que le « Hezbollah » ne s’impliquerait dans le conflit que si les installations nucléaires iraniennes étaient bombardées, si le guide suprême Ali Khamenei était assassiné ou si le régime iranien était sur le point de s’effondrer. À leurs yeux, le « Hezbollah » est une composante du système iranien — un corps du corps des Gardiens de la révolution — une étiquette que le « Hezbollah » réfute catégoriquement. Il affirme être un mouvement de résistance soutenu par l’Iran et d’autres, né pour combattre l’occupation israélienne des terres libanaises et défendre la cause palestinienne. Il rappelle la libération du Sud en 2000, la défense contre l’offensive israélienne de 2006 et, plus récemment, sa « guerre d’appui » à la résistance palestinienne à Gaza, ainsi que les lourdes pertes subies lors de la riposte israélienne, notamment l’assassinat de ses deux secrétaires généraux, Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine, ainsi que la majorité de ses chefs militaires.

Depuis le début de la guerre israélienne contre l’Iran, le « Hezbollah » observe ce qu’il appelle un « silence constructif ». Le mouvement se limite à des déclarations de soutien politique et de solidarité avec l’Iran, sans aller jusqu’à menacer d’une intervention militaire. Il estime que la situation au Liban — marquée par les agressions israéliennes persistantes — ne permet pas un tel engagement. Par ailleurs, le mouvement subit des pressions américaines et occidentales visant à le désarmer avant un retrait israélien et la mise en œuvre de la résolution 1701. Il n’a donc aucunement l’intention d’entraîner le Liban dans la guerre ni de provoquer une escalade israélienne.

Le « Hezbollah » reste fidèle à cette ligne, malgré la guerre américano-israélienne contre l’Iran et les frappes visant les sites nucléaires, civils et militaires du pays. Le mouvement se garde de fournir le moindre prétexte aux États-Unis et à Israël pour intensifier leur campagne contre lui. Il soutient les efforts de l’État libanais pour obtenir le retrait israélien des dernières collines occupées et exhorte les parrains américains et français de la commission de suivi du cessez-le-feu à intensifier les démarches diplomatiques. L’objectif : contraindre Israël à se retirer, lancer la reconstruction et éviter de lier ce processus à la question du désarmement, comme le réclament Washington et ses alliés. Le « Hezbollah » se dit prêt à discuter d’une stratégie nationale de défense et du sort de ses armes sous l’autorité de l’État, une fois ces conditions réunies. Quelle que soit l’évolution de la situation en Iran, il ne donnera pas à Israël l’occasion de remettre en cause l’accord de cessez-le-feu.

La direction du mouvement se dit par ailleurs surprise par les rumeurs prétendant qu’il aurait envoyé des combattants en Iran. Elle rappelle que l’Iran mène une guerre aérienne, non terrestre, et n’a subi aucune invasion qui nécessiterait une aide extérieure. L’Iran dispose de ressources militaires suffisantes pour se défendre, comme il l’a démontré lors de sa guerre de huit ans contre l’Irak, sans le soutien de quelque allié que ce soit sur le champ de bataille.

Tout cela laisse penser que le Liban restera en position d’attente, observant le déroulement de la guerre américano-israélienne contre l’Iran et ses répercussions sur l’ensemble de la région. Beaucoup estiment que ce conflit redessinera le Moyen-Orient, mais pas selon la vision de Netanyahou. Les États de la région revoient leurs calculs, convaincus que la chute de l’Iran livrerait la région entière à Israël. Netanyahou, grisé par une « euphorie de vainqueur », entend imposer sa volonté à tous, démanteler la solution à deux États, rejeter l’initiative arabe de paix de 2002 lancée à Beyrouth par l’Arabie saoudite, et imposer un règlement de la question palestinienne aux dépens de tous les États arabes. Le Liban, la Syrie, la Jordanie et l’Égypte en paieraient un lourd tribut, notamment face aux projets déjà anciens — antérieurs même à la guerre de Gaza — de déplacement des Palestiniens de Cisjordanie vers la Jordanie, et de Gaza vers l’Égypte, entre autres.

En résumé, le soutien du Liban à l’Iran reste purement politique, sans appui militaire de la part du « Hezbollah ». Le Liban reste pour l’heure sur la liste des pays en attente, se préparant aux répercussions d’un conflit régional qui semble s’enfoncer dans toujours plus de chaos. L’attentat-suicide contre les fidèles dans l’église Saint-Élie de Damas pourrait bien en être le premier signe avant-coureur.