Qui donc a inventé l’idée d’accorder cent jours de grâce à un nouveau président, un nouveau gouvernement ou un nouveau directeur, avant de commencer à l’évaluer et à le tenir responsable de ses actes ?

Depuis deux semaines, on entend le gouvernement se féliciter, après avoir entendu les louanges faites aux réalisations du président de la République.

On peut ne pas être d’accord avec les évaluations en cours — certains félicitent, d’autres critiquent — mais une chose est claire : le président et son gouvernement sont encore dans une phase de tentatives inachevées. Certes, la volonté existe et les intentions sont là, mais les résultats restent en deçà des attentes.

Et pourtant, certains analystes présentent ce qui a été accompli jusqu’à présent comme un succès des cent jours. Mais ce principe est mal appliqué et mal compris.

L’idée des « cent jours » comme période d’évaluation est née avec l’élection de Franklin Delano Roosevelt à la présidence des États-Unis. Lorsqu’il prend ses fonctions en mars 1933, en pleine Grande Dépression, Roosevelt se met immédiatement au travail avec une célérité impressionnante. Il convoque le Congrès en session extraordinaire et fait adopter des dizaines de lois pour redresser l’économie du pays. Durant ses cent premiers jours, Roosevelt signe 99 décrets exécutifs et fait passer 15 lois fondamentales. Il devient ainsi le modèle d’une gouvernance efficace, rapide et sérieuse.

C’est à lui qu’on doit l’expression « les cent jours », qu’il utilise dans un discours radiodiffusé en juillet 1933, évoquant les « événements pressants traités durant cette période ».

Nous ne cherchons pas à comparer. Mais…

Le Liban souffre aujourd’hui de nombreux problèmes, anciens, imbriqués et particulièrement complexes. Pourtant, la première étape vers une solution passe par le retour de l’État : un État dont le gouvernement et les institutions exercent pleinement leur autorité sur l’ensemble du territoire national, qui contrôle ses frontières, applique la loi, engage les réformes et tente de sortir l’économie de son marasme profond.

Le Liban est confronté à une occupation israélienne de certaines de ses terres, conséquence d’une guerre de soutien qui n’a ni aidé Gaza, ni dissuadé Israël. Il traverse une crise économique et financière étouffante qui a paralysé l’État et appauvri la population. Il souffre d’une corruption rampante, de l’inégalité dans l’application de la loi, et d’un afflux massif de réfugiés syriens et non syriens.

Que s’est-il donc passé durant ces cent jours du côté de l’exécutif et du législatif libanais ?

Sur l’occupation israélienne ? Rien. Elle reste soumise à des conditions précises que l’État libanais n’a toujours pas remplies, pendant que le « Hezbollah » continue à tourner autour du pot, sans rien dire de concret.

Sur la question des armes illégales ? Rien, à l’exception du sud du Litani. Dans les autres régions, les armes restent incontrôlées.

Sur la réforme de l’administration publique ? Très peu, pour ne pas dire rien.

Sur les nominations ? Des démarches incomplètes : certains ont été nommés selon les procédures établies, d’autres en dehors de tout cadre. Il suffit d’observer les pressions exercées dans la rue, sous couvert de revendications sociales ou contre la vie chère, pour comprendre que ceux qui les orchestrent cherchent à obtenir leur part du gâteau.

Sur les plans économique et social ? Rien. Et la situation continue de se détériorer malgré des armées de conseillers.

La liste est encore longue.

Il est certain que la crise libanaise actuelle n’atteint pas l’ampleur de la Grande Dépression qui avait frappé les États-Unis au début du XXe siècle et bouleversé le monde entier. Mais cette crise-là avait trouvé un début de solution avec un président qui, dès le premier jour, s’était mis à l’ouvrage et, au bout de cent jours, pouvait dresser la liste de ses réalisations.