Le 9 mai, le président russe Vladimir Poutine a célébré le Jour de la Victoire, marquant le triomphe soviétique sur Hitler en 1945. L’ancien président américain Donald Trump, lui, n’a pas participé aux festivités. Il a plutôt affirmé que la victoire appartenait aux États-Unis. Laissons aux historiens des deux camps le soin de trancher ce débat.

La cérémonie de Poutine a réuni des invités du « Sud global », que le président russe a qualifié de « majorité mondiale », avec en tête le président chinois Xi Jinping. Le message porté par cet événement, renforcé par un immense défilé militaire, était clair : la Russie n’est pas isolée.

Le 10 mai, l’Union européenne a adressé à la Russie ce qu’elle a qualifié d’ultimatum final : accepter un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours ou faire face à une nouvelle vague de sanctions et à un renforcement de l’armement de l’Ukraine avec des armes de dernière génération. La réponse du Kremlin a été ferme : « Moscou ne répond pas aux ultimatums. » Au lieu de céder, Poutine a appelé à la reprise des négociations directes avec l’Ukraine à Istanbul, à l’image de celles entamées en mars 2022 avant d’être interrompues.

Dans cette impasse diplomatique, le président américain Joe Biden tente de relancer un processus de paix, motivé moins par une réelle préoccupation pour l’Ukraine que par le désir de marquer un grand coup sur la scène internationale et de renforcer ses succès perçus dans le Golfe. Mais il se trouve coincé entre les faucons de Washington et des alliés européens intransigeants d’un côté, et une Russie inflexible dans ses revendications territoriales de l’autre.

Donald Trump, quant à lui, a récemment eu un entretien téléphonique de deux heures avec Poutine. Il est apparu clairement que sa menace de couper l’aide militaire et le renseignement à Kyiv a eu plus d’impact sur l’Ukraine que son influence sur Moscou. Le Kremlin s’est contenté d’un communiqué réaffirmant sa position inchangée, sans faire preuve de souplesse.

La Russie reste déterminée à obtenir la reconnaissance internationale de l’annexion de quatre régions ukrainiennes : Donetsk, Louhansk, Zaporijia et Kherson. Une position qui dépasse la simple logique du contrôle militaire : tout comme les États-Unis ont annexé de vastes territoires mexicains au XIXe siècle, Moscou estime que la souveraineté peut se négocier une fois l’objectif militaire atteint. Dès lors, toute concession serait perçue comme un aveu de faiblesse.

Poutine a rejeté la proposition européenne de trêve de 30 jours, arguant que l’Ukraine profiterait de cette pause pour se réarmer, former et recruter de nouvelles forces. Il a insisté sur la nécessité de traiter les « racines profondes du conflit ». Néanmoins, lui et Trump se seraient mis d’accord sur l’ouverture immédiate de négociations de paix.

Il convient ici de rappeler la position de l’acteur principal du conflit, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a accueilli favorablement toute initiative diplomatique visant à résoudre la crise, tout en soulignant l’urgence de mettre fin aux attaques russes. Les dirigeants européens, quant à eux, ont exprimé leur inquiétude d’être écartés des discussions, poussant l’Allemagne, la France et la Pologne à relancer le « Triangle de Weimar » — initiative diplomatique ressuscitée à Berlin le 15 mars 2024 — afin de coordonner leur réponse à la crise ukrainienne.

Alors que les tensions diplomatiques et militaires s’intensifient, une nouvelle dynamique s’installe au sein même de la Russie. L’opinion publique, de plus en plus lasse d’un conflit sans issue, commence à voir en Joe Biden un homme de paix et un ami de la Russie. Ce courant, qui représenterait environ 20 % de la population, appelle aujourd’hui à la fin de la guerre.

L’espoir réside dans la conclusion d’un traité de paix avant une nouvelle dégradation de la situation économique. Mais la planète se trouve au bord de deux précipices : soit Trump parvient à freiner les Européens dans leur soutien militaire à l’Ukraine, soit il réussit à convaincre son « ami » Poutine de renoncer à une partie des territoires occupés et de mettre fin à la guerre. Deux scénarios, à ce jour, jugés irréalistes.

L’OTAN et l’Ukraine — les initiatives européennes

Sur le terrain, alors que les États-Unis réduisent leur soutien financier et militaire à l’Ukraine, des développements majeurs ont émergé dans les efforts de l’Europe pour réarmer l’Ukraine dans le cadre des plans stratégiques de l’OTAN face à des tensions géopolitiques persistantes.

L’Union européenne a approuvé un programme de prêts de 150 milliards d’euros pour des achats d’armes conjoints et des investissements dans l’industrie de défense. Cette initiative permet aux États membres d’emprunter pour acheter ensemble des armes et renforcer la base industrielle de défense européenne. Le texte exige que 65 % au moins des composants proviennent de pays approuvés, dont l’Ukraine, et donne la priorité aux contrats avec des fabricants européens.

Dans le cadre d’un plan stratégique baptisé « Initiative de préparation 2030 », proposé par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, l’Europe cherche à renforcer ses capacités militaires face aux menaces géopolitiques. Ce plan vise à mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros pour moderniser les infrastructures de défense et réduire la dépendance envers les États-Unis.

Selon The Wall Street Journal, la production d’armes en Ukraine a connu une explosion, passant d’un milliard de dollars en 2022 à 35 milliards sur trois ans. L’Ukraine produit désormais près de 40 % de ses armes de première ligne, y compris la quasi-totalité de ses drones et équipements de guerre électronique. Le pays fabrique désormais plus de 20 obusiers par mois, avec 85 % de composants d’origine locale.

Par ailleurs, l’Ukraine attire des entreprises de défense occidentales prêtes à établir des usines sur son sol. Une société allemande prévoit notamment d’y construire au moins quatre usines pour produire des obus, véhicules militaires, poudres et armes anti-aériennes. De son côté, la Norvège a alloué cinq milliards de couronnes pour soutenir les besoins ukrainiens en munitions d’artillerie.

Il apparaît donc clairement que l’Europe est en train de reconstruire son arsenal sous la bannière de l’OTAN, sous prétexte de soutenir l’Ukraine. Toutefois, la majorité des pays européens — à l’exception de la France, l’Allemagne, la Pologne, la Norvège et le Royaume-Uni — font preuve de prudence et doutent que cette remilitarisation de l’OTAN soit un pas vers la stabilité géopolitique ou vers la paix avec leur voisin russe.