Aujourd’hui, samedi, marque le 42e anniversaire de l’Accord du 17 mai, signé en 1983. Moins d’un demi-siècle s’est écoulé depuis cette conséquence politique de l’invasion israélienne de 1982 au Liban, qui a vu l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) exilée en Tunisie, tandis que d’autres factions palestiniennes trouvaient refuge en Syrie. L’espace d’un instant, certains Libanais ont cru que la guerre, déclenchée le 13 avril 1975, touchait enfin à sa fin.

Cet accord fut approuvé par le Parlement libanais à une majorité de 65 voix sur 99 députés (dont 7 étaient décédés), lors d’une séance boycottée par 19 élus. Deux députés ont voté contre, trois se sont abstenus, et un s’est exprimé avec réserve.

Parrainé par les États-Unis, l’accord était le fruit de négociations entre une délégation libanaise, menée par l’ambassadeur Antoine Fattal, et une délégation israélienne, dirigée par l’ambassadeur David Kimche. Les discussions se sont tenues entre Khaldé et Kiryat Shmona, à partir du 28 décembre 1982. Le président Amine Gemayel a tenté de rallier le soutien arabe — y compris syrien — en envoyant des émissaires présidentiels à travers le monde arabe pour expliquer les objectifs du Liban. Ces délégations sont revenues avec, dans l’ensemble, des marques de bénédiction et de compréhension vis-à-vis de l’initiative libanaise.

Les principales dispositions de l’accord prévoyaient : la fin de l’état de guerre entre le Liban et Israël ; un retrait israélien total du Liban dans un délai de 8 à 12 semaines ; la création d’une zone de sécurité sur le territoire libanais, sous contrôle du gouvernement libanais, selon les modalités d’un annexe sécuritaire spécifique ; la formation d’un comité tripartite américano-israélo-libanais pour superviser l’application de l’accord, y compris les arrangements sécuritaires et les sous-comités chargés de gérer les relations bilatérales ; l’ouverture de bureaux de liaison dans les deux pays ; la négociation d’accords commerciaux ; et l’engagement mutuel de cesser toute forme de propagande hostile.

En revisitant brièvement la nature de l’Accord du 17 mai et en la comparant aux suites de la dernière guerre israélienne contre le Liban — notamment le renforcement de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU et l’insistance sur son application stricte —, les similitudes sautent aux yeux. Le langage, les procédures, les conditions qui s’accumulent rappellent étrangement le passé. Plus récemment, l’ancien président américain Donald Trump a conditionné la reprise économique et l’aide financière au Liban à la paix avec ses voisins. « Ô voisine, si seulement tu avais pitié de mon sort », pourrait-on dire. Mais ces voisins, sont-ils donc sur Mars ?

À l’époque, le pouvoir et ses soutiens qualifiaient l’Accord du 17 mai d’arrangement sécuritaire. Ses détracteurs, eux, y voyaient le second acte d’une capitulation arabe, après la signature du traité de paix entre l’Égypte et Israël.

Fait notable, Israël n’a jamais ratifié l’accord. Le Liban, quant à lui, l’a annulé après une vive opposition interne, la guerre de la Montagne du 4 septembre 1983, les conférences de Genève et de Lausanne, et un renversement des équilibres en faveur de la Syrie et de ses alliés au Liban.

Aujourd’hui, 42 ans plus tard, nous faisons face à des circonstances étrangement similaires — sinon pires — à celles d’un accord finalement abrogé le 5 mars 1984.

Lors de son second mandat, Donald Trump a entamé une tournée dans le Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Émirats arabes unis), et aurait levé les sanctions américaines contre la Syrie à la demande du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. L’espace d’un instant, les Libanais ont cru que cette décision allait soulager immédiatement leur pays exsangue. Mais ils ont vite déchanté en entendant Trump déclarer : « Nous sommes prêts à aider le Liban à bâtir un avenir de développement économique et de paix avec ses voisins »… Et leurs espoirs se sont effondrés.

La paix avec ses voisins (encore une fois, « Ô voisine ! ») devient désormais une condition sine qua non pour que le Liban bénéficie de l’aide américaine, et par ricochet de l’aide européenne et arabe. Par ailleurs, la levée des sanctions contre la Syrie, sous réserve de l’approbation du Congrès américain, annule les arguments avancés par la communauté internationale pour maintenir les réfugiés syriens au Liban depuis 2011. La justification sécuritaire de leur présence a disparu avec la fin de la guerre. Le prétexte politique s’est évaporé avec l’effondrement du régime de Bachar el-Assad. L’argument économique s’effondre également, puisque l’épée de Damoclès du Caesar Act, qui étranglait le peuple syrien bien plus que son régime, a été écartée, permettant au peuple syrien de respirer à nouveau.

Entre la suggestion à peine voilée de Trump d’une normalisation entre le Liban et Israël en échange d’une aide, et la disposition apparente de responsables syriens comme Ahmed al-Charra à satisfaire les conditions pour rejoindre les Accords d’Abraham, le Liban se trouve à la croisée des chemins. La question est : que fera son gouvernement ?

Va-t-il continuer à s’accrocher à l’Initiative arabe de paix de 2002, maintenant son éternelle position de « dernier pays arabe à signer la paix avec Israël » ? Hier encore, le leader politique Walid Joumblatt ironisait : « Retardez-nous un peu la paix », comme s’il admettait que cette paix était inéluctable.

Notre gouvernement persistera-t-il à imiter ses prédécesseurs depuis 2011 : soit en fermant les yeux sur la crise des réfugiés syriens, soit en collaborant avec la communauté internationale pour les maintenir au Liban, soit en étant incapable de prendre des initiatives, soit en se soumettant aux volontés étrangères ? Et pourtant, des responsables libanais ont bel et bien proposé des solutions et agi tout au long de ces années, à commencer par l’ancien président Michel Aoun, qui a porté à deux reprises la question du retour des réfugiés syriens à la tribune de l’ONU. Une voix isolée, prêchant dans le désert. Les efforts de son courant, sur le terrain comme dans les textes de loi, sont restés lettre morte.

En fin de compte — que cela nous plaise ou non, que nous soyons pour ou contre, que nous acceptions ou qu’on nous l’impose, que nous résistions ou que nous cédions — ce qui nous attend ne laisse qu’une conclusion possible :

Le 17 mai nous adresse ses salutations.