Personne ne peut ignorer le « sprint » effréné dans les cent derniers mètres de la course visant à démanteler l’arsenal du « Hezbollah » et les autres armes illégales. Cette course oppose le « document » présenté par l’émissaire américain Thomas Barrack à la « réponse » de la direction libanaise tripartite, laquelle conditionne sa réponse à l’approbation du « Hezbollah » ou, du moins, à un « paraphe » qu’il y apposerait.
Il s’agit d’un paradoxe constitutionnel et souverain — voire d’une véritable mascarade — que la décision d’un État légitime doive attendre le consentement d’un groupe armé illégitime avant d’être annoncée et transmise au médiateur américain. Pourtant, cette décision se trouve inévitablement entre deux options : accepter un désarmement progressif qui commencerait en parallèle avec des mesures israéliennes (cessation des frappes aériennes, retrait graduel, résolution de la question des prisonniers) ; ou rejeter cette simultanéité et inverser les priorités, soumettant ainsi l’État aux quatre conditions préalables posées par le « Hezbollah » avant toute remise des armes ou discussion sur une stratégie de défense : arrêt des attaques israéliennes, retrait israélien, libération des prisonniers et lancement de la reconstruction.
Le problème est que l’État ne peut se permettre d’attendre ou de jouer le facteur temps, comme le fait le « Hezbollah », qui lie ses armes au calendrier iranien et parie sur un changement du rapport de force — un pari qui s’est effondré à la suite de la récente « guerre de soutien » ici et de la « guerre des 12 jours » là-bas — ou même sur une intervention divine, comme l’a laissé entendre le numéro deux du « Hezbollah », le cheikh Naïm Qassem, reprenant les propos de ceux qui avaient autrefois confié leurs armes à la garde de « l’Imam caché ».
Dès lors, réconcilier un camp qui respecte les lois constitutionnelles, les accords et les conventions internationales avec un autre qui croit aux forces surnaturelles et au soutien venant d’au-delà du temps et de la nature est devenu un exercice vain.
Il est clair que le principal négociateur du « Hezbollah », le président Nabih Berri, est coincé entre la réalité et le métaphysique. D’un côté, il est lié par sa signature sur des engagements écrits prévoyant la « fin des hostilités », y compris le désarmement sur tout le territoire libanais ; de l’autre, il subit la pression de son « jumeau non identique » qui refuse d’accepter cette réalité. Il oscille entre le refuge dans le « comité des trois présidents », enlisé dans des réunions marathoniennes pour rédiger une réponse, et la diversion de l’opinion publique ou l’enlisement des forces politiques dans des batailles comme l’exclusion du vote de la diaspora.
Entre l’aliénation de la moitié de la diaspora libanaise par rapport à la moitié résidente, et la procrastination sur le désarmement qui a précipité le pays dans la ruine, la décision souveraine nationale risque de se perdre dans ces deux labyrinthes, tandis que les dirigeants tournent en rond autour d’elle comme des derviches.
Cette valse étourdissante atteint ses derniers instants avant l’effondrement des danseurs, car une échéance cruciale approche avec le retour de l’émissaire américain Barrack la semaine prochaine. Le trio au pouvoir doit répondre à son document, et le Premier ministre Nawaf Salam a laissé entendre une réponse « positive ». Mais cette « positivité » signifie-t-elle un alignement sur l’agenda américain en neuf points — qui comprend le désarmement du « Hezbollah », les réformes et les relations avec la nouvelle Syrie — ou est-ce une manœuvre visant à réorganiser ces priorités au profit de ceux qui détiennent les armes ? Les jeux de mots et les acrobaties rhétoriques se sont effondrés avec la déclaration ministérielle et le discours d’investiture ; ils ne peuvent être ressuscités dans la réponse attendue au plan de Barack sans entraîner la chute de leurs auteurs.
Certains, mus par une « intelligence non artificielle », sont allés jusqu’à prétendre qu’il n’est pas nécessaire de répondre au document américain, en invoquant des passages clairs de la déclaration ministérielle et du discours d’investiture affirmant la nécessité de confiner les armes aux mains de l’État — comme si les textes pouvaient se substituer aux actes et suffire à dégager la responsabilité de leurs auteurs.
Lorsque les émissaires occidentaux et arabes ont multiplié les conseils pour inciter le Liban à saisir cette dernière chance internationale et régionale, ce n’était pas pour intimider les dirigeants mais pour leur rappeler que cette fenêtre n’est pas éternelle. Depuis six mois, la communauté internationale et arabe — par ses émissaires, ambassadeurs, déclarations et positions — a laissé au Liban le temps, sans constater de progrès sérieux sur la monopolisation des armes par l’État ou sur des réformes structurelles courageuses et l’éradication de la classe corrompue enracinée, en dehors de quelques mesures timides et fragmentaires.
Concrètement, le compte à rebours a commencé pour les trois dirigeants libanais, qui ont longtemps excellé à aplanir leurs différends et à geler leurs conflits pour préserver la « coexistence troïka » — même au détriment de l’intérêt national. Aujourd’hui, cependant, la priorité est de sauver le Liban, même si cela doit se faire aux dépens de la « Duika » (le duo Amal-« Hezbollah ») ou sur fond de dissensions internes à la troïka. Ce salut exige une prise de position courageuse d’un, deux, ou des trois dirigeants ensemble.
Qui parmi eux aura l’audace de graver son nom dans le livre de diamant historique du Liban ?