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Résumé de l'article
Par Tarek Tarchichi
Extrait de l'article
La récente tournée du président américain Donald Trump dans le Golfe a suscité une vague de réactions politiques dans l’ensemble de la région, y compris au Liban. Cette visite a soulevé de nombreuses questions quant à la suite des événements, d’autant qu’elle a coïncidé avec de nombreuses rumeurs sur un profond désaccord entre l’administration américaine et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou concernant plusieurs dossiers régionaux, allant de l’Iran, du Yémen et de l’Irak à la Syrie, au Liban, et jusqu’à Gaza.
Ce déplacement dans le Golfe est intervenu alors que Trump confirmait que les négociations nucléaires entre les États-Unis et l’Iran – en cours à Amman – sont proches d’un nouvel accord. Il a toutefois laissé entendre que d’autres options restaient sur la table, y compris l’action militaire, au cas où ces pourparlers échoueraient.
L’un des développements les plus marquants de cette visite a été l’annonce faite par Trump, peu avant sa rencontre à Riyad avec le président syrien Ahmad al-Charaa, sous l’égide du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, de la levée des sanctions américaines contre la Syrie. Cette décision, accompagnée de vives critiques à l’égard de l’Iran, accusé de déstabiliser la région, a marqué un tournant significatif dans le ton adopté par Washington. Cependant, Trump n’a pas fermé la porte à de futures discussions avec Téhéran. Dans le même temps, il a salué l’action du gouvernement libanais tout en pointant du doigt le Hezbollah, qu’il a accusé d’être responsable de la crise actuelle au Liban, promettant un soutien pour rétablir la paix dans le pays.
L’annonce de la levée des sanctions contre la Syrie a été bien accueillie par les responsables et acteurs politiques libanais, qui y voient une opportunité pour favoriser le retour des réfugiés syriens dans leur pays, mais aussi pour permettre au Liban de participer à la reconstruction à venir de la Syrie. Elle relance également l’espoir de voir enfin aboutir les projets – longtemps promis et soutenus par les États-Unis – d’importation de gaz égyptien et d’électricité jordanienne, considérés comme essentiels pour relancer une économie libanaise en pleine débâcle.
Néanmoins, certaines figures politiques et officielles de haut rang au Liban ont exprimé leurs inquiétudes quant au fait que ces avancées puissent être conditionnées au désarmement du Hezbollah. Ce dossier reste extrêmement sensible, d’autant plus que les violations israéliennes de la résolution 1701 des Nations Unies se poursuivent, tout comme les infractions à l’accord de cessez-le-feu et le refus d’Israël de se retirer complètement des zones frontalières libanaises, comme le prévoit pourtant cet accord. Si le désarmement du Hezbollah devenait une condition sine qua non à toute avancée, cela risquerait de retarder indéfiniment le règlement de la crise libanaise, la reconstruction des zones détruites par l’agression israélienne, le retour des réfugiés syriens et la normalisation des relations entre Beyrouth et Damas, dans le cadre du nouveau régime syrien.
Autre sujet d’attention et de prudence : des informations ont filtré selon lesquelles le président al-Charaa aurait laissé entendre à Trump une certaine disposition à normaliser les relations avec Israël – une possibilité qui intrigue autant qu’elle inquiète. Quelques heures avant leur rencontre, Trump avait d’ailleurs déclaré que les accords d’Abraham seraient élargis, et que l’Arabie Saoudite normaliserait ses relations avec Israël à un moment qu’elle jugerait opportun.
Cela soulève une question cruciale : quelle serait la position du Liban, farouchement opposé à toute normalisation, si la Syrie venait à rejoindre le cercle grandissant des pays arabes ayant établi des liens avec Israël, d’autant que des négociations secrètes entre Damas et Tel-Aviv auraient eu lieu avant la visite de Trump dans la région ?
L'idée est que la décision de Trump de lever les sanctions contre la Syrie pourrait avoir été hâtivement acquise comme définitive – y compris par Trump lui-même. En réalité, le président américain ne dispose pas d’un pouvoir absolu en la matière. La majorité des sanctions contre la Syrie reste en vigueur en vertu du Caesar Act, ce qui signifie que Trump ne peut lever que celles qui relèvent de ses compétences exécutives, excluant ainsi celles dépendant du Congrès – les plus attendues par les Syriens.
Quant au Liban, avant même de songer à l’avenir de ses relations avec Damas, il lui faudra attendre de voir comment évoluera la transformation politique de la Syrie et si le nouveau régime parvient à une stabilité politique et géographique. De l’avis de nombreux analystes, le Liban a manqué une opportunité majeure de tirer profit des bouleversements régionaux, faute d’avoir su redéfinir à temps sa relation avec la Syrie. La cause palestinienne, autrefois au cœur des priorités régionales et internationales, a cédé la place à la question syrienne, tandis que l’intérêt pour le Liban a nettement décliné – une conséquence directe de ses liens instables avec la Syrie et du manque d’ouverture de la part de Damas.
La nouvelle direction syrienne semble en effet faire preuve d’une indifférence notable à l’égard du Liban. Il y a quelques jours à peine, le président al-Charaa remerciait tous les pays arabes et étrangers pour leur soutien à la question des déplacés et à la nouvelle Syrie, sans jamais mentionner le Liban, alors même que ce dernier a accueilli les déplacés syriens comme aucun autre pays au monde.
Autrefois, sous l’ancien régime, la Syrie faisait figure de barrière entre le Liban, les pays du Golfe et la Turquie. Aujourd’hui, sous la présidence d’al-Charaa, elle semble se transformer en passerelle entre ces trois pôles. Une mutation qui reflète l’attention régionale et internationale grandissante à l’égard de la Syrie – une attention qui ne devrait que s’intensifier dans les mois à venir, soulevant de nouvelles interrogations majeures quant à l’avenir du pays… et donc à celui du Liban.