Le risque d’une confrontation totale entre Israël et le « Hezbollah » a atteint un niveau alarmant, en particulier avec la multiplication des attaques israéliennes contre le territoire libanais et l’intensification des frappes préventives depuis l’accord de cessez-le-feu de novembre 2024.

Les analyses géopolitiques indiquent une probabilité accrue d’une guerre majeure au cours des six prochains mois — d’ici la mi-2026 —, avec une estimation oscillant entre 65 % et 75 %. Les conséquences économiques et humaines pour le Liban, déjà plongé dans la pire crise financière de son histoire depuis 2019, pourraient être catastrophiques.

Prévisions géopolitiques

Selon les études géopolitiques et sécuritaires menées par le Conseil de l’Atlantique Nord (Atlantic Council) et l’Institut pour l’étude de la guerre (Institute for the Study of War), trois scénarios pourraient façonner l’évolution politique et militaire entre le Liban et Israël d’ici la mi-2026 :

1. Une guerre totale (probabilité de 65 % à 75 %) :

Israël mènerait une offensive délibérée et de grande ampleur contre les infrastructures libanaises : routes, ports, aéroport, voies d’importation et réseaux de télécommunications.

2. Une guerre d’usure (probabilité de 20 % à 30 %) :

Ce scénario constituerait la prolongation de la situation actuelle, avec l’intensification des frappes aériennes et des assassinats ciblés.

3. Une percée diplomatique (probabilité de 5 % à 10 %) :

Ce scénario impliquerait un désarmement volontaire des groupes armés non étatiques au Liban, à la suite d’une médiation internationale réussie.

Les analystes expliquent la forte probabilité du premier scénario par l’existence de deux objectifs fondamentalement opposés.

Le premier concerne la volonté d’Israël de désarmer de force le « Hezbollah » afin d’assurer le retour des habitants dans le nord du pays et d’éviter une répétition du scénario du 7 octobre depuis le territoire libanais. En termes diplomatiques, cela correspond à l’application intégrale de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, à savoir le désarmement du « Hezbollah » et le déploiement complet de l’armée libanaise au sud du fleuve Litani.

Depuis le cessez-le-feu de novembre 2024, Israël considère cet accord comme un mandat international l’autorisant à affaiblir et à détruire les capacités du « Hezbollah ». Cela se traduit par des violations quotidiennes et des frappes aériennes visant le Sud et la Békaa, marquant un net recul de la voie diplomatique au profit d’une pression militaire constante.

Par ailleurs, Israël estime que le gouvernement libanais tarde à exécuter son plan visant à limiter aux mains de l’armée nationale la détention d’armes. Tel-Aviv a adressé plusieurs avertissements à Beyrouth, laissant entendre que si l’armée n'accélère pas le désarmement du « Hezbollah », Israël intensifierait ses attaques, tant en portée qu’en puissance.

Le second objectif opposé repose sur le refus du « Hezbollah » de se désarmer tant qu’Israël continuera d’occuper des territoires libanais et de mener des agressions quotidiennes. Bien que le « Hezbollah » ait fait preuve de retenue depuis l’accord de 2024, Israël affirme que le mouvement en est à un stade avancé de réarmement, stockant des roquettes et fabriquant des armes.

Les analystes en concluent que l’affrontement inévitable entre la stratégie israélienne de frappes préventives et la détermination du « Hezbollah » à conserver ses armes fait passer la probabilité d’une guerre totale du statut d’hypothèse à celui d’éventualité quasi certaine.

Répercussions économiques

Les perspectives économiques apparaissent particulièrement sombres. Selon les chiffres de la Banque mondiale, l’économie libanaise a subi plus de 14 milliards de dollars de pertes directes et indirectes à la suite du conflit survenu entre octobre 2023 et novembre 2025. Cela soulève une question urgente : quel serait le coût économique pour chacun des trois scénarios ?

1. Scénario de guerre totale :

L’impact économique serait dévastateur, avec une contraction du PIB estimée entre –15 % et –25 % au cours de l’année suivante. Les destructions d’infrastructures pourraient dépasser les 25 milliards de dollars. Sur le plan financier, les transferts de fonds et les flux de capitaux cesseraient, le tourisme s’effondrerait et le gouvernement se retrouverait paralysé par son incapacité à percevoir les impôts. L’aide internationale serait suspendue. Sur le plan social, le Liban connaîtrait des déplacements massifs de population et un taux de chômage pouvant dépasser 65 % (voir graphique 1).


Graphique 1 : Estimation des pertes économiques selon trois scénarios possibles d’une guerre israélienne contre le Liban (source : calculs de l’auteur).

2. Scénario de guerre d’usure :

Ce scénario entraînerait une aggravation de la stagnation économique, avec une contraction du PIB comprise entre 5 % et 10 %. La poursuite des frappes aériennes minerait davantage la confiance des investisseurs, déjà inexistante, freinerait le financement de la reconstruction et bloquerait les négociations avec le FMI. L’économie s’enfoncerait alors dans un déclin lent mais épuisant.

3. Scénario de réussite diplomatique :

Une issue diplomatique favorable permettrait le déblocage d’une aide financière internationale essentielle et donnerait au gouvernement la possibilité de mettre en œuvre les réformes exigées par le FMI. Le PIB pourrait alors enregistrer une croissance positive de 3 % à 4 %.

L’équation finale

En définitive, le Liban se trouve face à deux seules options : la confrontation ou l'exécution de la demande de remise des armes. Comme la plupart des centres de recherche prévoient une confrontation presque inévitable, les autorités libanaises doivent agir en urgence pour éviter la guerre, compte tenu des risques immenses qu’elle ferait peser à la fois sur la population et sur l’économie.