L’Arabie saoudite a longtemps joué un rôle central dans le soutien au Liban, tant sur le plan financier que politique. Au-delà de l’accueil d’un grand nombre de travailleurs libanais, le royaume a apporté une aide économique considérable au fil des décennies. Cette aide comprenait des dépôts à la Banque du Liban, des contributions à la reconstruction après la guerre de 2006, ainsi que l’élargissement des échanges commerciaux et des investissements massifs au début des années 2000. Mais ce soutien a commencé à s’estomper progressivement à partir de 2011, le positionnement politique du Liban sur les questions régionales – en particulier vis-à-vis du conflit syrien – ayant marqué un tournant dans la politique saoudienne à l’égard de Beyrouth.

En conséquence, les investissements saoudiens au Liban ont chuté de manière spectaculaire, et les relations économiques bilatérales ont atteint leur niveau le plus bas. Le royaume a suspendu le tourisme vers le Liban et interrompu l’importation de produits libanais, notamment après un scandale de contrebande qui a tendu les relations diplomatiques entre Riyad et Beyrouth.

Aujourd’hui, toutefois, des réformes politiques (comme la limitation des armes à l’État et l’application intégrale de l’accord de Taëf) et économiques (telles que la restructuration du secteur bancaire et le rétablissement de l’ordre budgétaire) pourraient lever les obstacles au retour de l’Arabie saoudite comme partenaire diplomatique, économique et financier. Mais cet engagement renouvelé ne sera pas un chèque en blanc comme par le passé. L’aide et les investissements devraient être conditionnés à des avancées tangibles en matière de réformes et à l’affirmation pleine et entière de l’autorité de l’État libanais sur son territoire.

Les prévisions indiquent que la réintégration de l’Arabie saoudite dans l’économie libanaise serait quasi immédiate après la mise en œuvre de la clause sur la limitation des armes à l’État. Elle s’inscrirait probablement dans une stratégie plus large visant à réancrer le Liban dans le giron arabe et à limiter l’influence iranienne en renforçant l’État libanais par l’autonomisation économique.

Secteurs ciblés

Les investissements et aides saoudiens devraient se concentrer sur :

- Le secteur bancaire : pierre angulaire de toute aide saoudienne, puisque tous les investissements y transiteront. Riyad devrait apporter expertise et capitaux pour recapitaliser les banques libanaises et contribuer à résoudre la crise des dépôts. Comme par le passé, l’Arabie saoudite pourrait aussi renforcer la confiance dans la livre libanaise via un dépôt à la Banque centrale.

- Les réformes économiques : le royaume devrait jouer un rôle clé aux côtés du FMI et de la Banque mondiale pour soutenir un programme de réformes globales. Cela inclurait la restructuration du secteur public, la libéralisation des marchés, l’ouverture à la concurrence, la lutte contre la corruption, ainsi que l’amélioration de la gouvernance et de la transparence financière.

- La reconstruction : l’Arabie saoudite a été un contributeur majeur à la reconstruction après les guerres au Liban, notamment après le conflit de 2006. Des milliards de dollars devraient être alloués à des projets d’infrastructures couvrant routes, ponts, électricité, eau (barrages et lacs artificiels) et systèmes d’égouts. Une priorité centrale sera le secteur de l’électricité, qui a coûté plus de 50 milliards de dollars aux finances publiques. L’investissement saoudien viserait à la fois la production et la distribution. Le royaume est également attendu sur la reconstruction du port de Beyrouth, en raison de son importance stratégique en tant que hub logistique et commercial mondial dans le bassin oriental de la Méditerranée.

- Le commerce et l’investissement : Riyad devrait lever l’embargo sur les produits libanais imposé après le scandale de contrebande, ce qui bénéficierait directement à l’agriculture et à l’industrie libanaises.

- Le tourisme : avant 2011, les visiteurs saoudiens figuraient parmi les plus gros dépensiers du secteur touristique libanais. La reprise des voyages des ressortissants saoudiens pourrait transformer le secteur, en injectant des devises et en revitalisant l’industrie.

- Les secteurs productifs : des investissements sont attendus dans la technologie, l’immobilier, l’agriculture et le tourisme, via les fonds publics et privés saoudiens.

Mécanismes et ampleur du soutien

L’Arabie saoudite dispose de multiples mécanismes institutionnels pour financer ses projets extérieurs, caractérisés par leur transparence et leur encadrement. Ils incluent le Fonds saoudien de développement (outil principal), le Fonds public d’investissement, l’aide et les dépôts directs de gouvernement à gouvernement, ainsi que les partenariats public-privé favorisant la participation du secteur privé.

D’après les données historiques, l’ampleur du financement saoudien futur devrait être bien plus importante que par le passé. Les allocations attendues incluent :

- Dépôts à la Banque centrale et aide directe (entre 1 et 2 milliards de dollars).

- Programmes de stabilisation et de relance économique (entre 5 et 10 milliards de dollars).

- Projets commerciaux rentables via le Fonds public d’investissement (plusieurs milliards).

- Aide humanitaire via un soutien gouvernemental direct (centaines de millions).

L’objectif est clair : aider le Liban à se reconstruire et à s’aligner davantage sur les dynamiques économiques et politiques arabes.

Les simulations montrent que ces investissements et aides saoudiens seraient déterminants pour la reprise future du Liban. Avec un tel soutien, le PIB libanais pourrait atteindre 35 milliards de dollars d’ici 2034 – un niveau inatteignable avec les seules ressources du pays (voir Figure 1).


Figure 1 : Impact simulé du financement saoudien sur le PIB du Liban au cours de la période 2025-2034 (Source : Nos calculs).

En définitive, il appartient au gouvernement libanais de mettre en œuvre les réformes politiques et économiques nécessaires. Celles-ci marqueraient le début d’une nouvelle ère d’aides et d’investissements étrangers, conduite par l’Arabie saoudite.