Donald Trump et Vladimir Poutine ne se sont pas entretenus en tête-à-tête lors de ce sommet qui a duré trois heures. Les deux présidents étaient accompagnés de leurs conseillers. Avant l’ouverture de ce sommet en Alaska, on apprenait que six villages ukrainiens avaient été repris par Kiev aux troupes russes dans l’Est de l’Ukraine.
« Nous avons eu une réunion extrêmement productive et nous nous sommes mis d’accord sur de nombreux points, il n’en reste que quelques-uns. Certains ne sont pas très importants. L’un d’entre eux est probablement le plus important, mais nous avons de très bonnes chances d’y parvenir. Nous n’y sommes pas encore parvenus, mais nous avons de très bonnes chances d’y arriver. », a assuré l’hôte de la Maison Blanche.
Pas plus de détails. Pas d’accord total donc, mais des avancées certaines sur le chemin d’un cessez le feu en Ukraine. Les deux leaders se sont donnés rendez-vous bientôt à l’issue de leur rencontre qui s’est achevée par une conférence de presse, mais sans aucune question de journalistes.
La plupart des analystes estiment qu’un accord de paix durable pour l’Ukraine est peu probable à court terme. Seth G. Jones (CSIS) note que seulement 16 % des guerres interétatiques depuis la Seconde Guerre mondiale se sont terminées par un accord de paix, et que plus d’un tiers des accords de paix entre 1975 et 2018 ont échoué. Cet analyste et géo politologue souligne que pour qu’un accord soit durable, il faudrait une perception de faible succès militaire de la part de la Russie. Or, ce n’est pas le cas. Les jours qui ont précédé la rencontre Poutine /Trump, l’armée russe a poursuivi ses offensives, grignotant un peu plus de terrain ukrainien. Justin Logan de la Cato Institute souligne que la Russie, forte justement de ses avancées militaires, est peu incitée à modérer ses demandes, tandis que l’Ukraine, sous la pression de Zelensky et de sa constitution, refuse de céder des territoires.
Que retenir de ce premier sommet, le deuxième entre les deux leaders depuis celui d’Helsinki en 2018 ?
D’abord que l’absence du président ukrainien Volodymyr Zelensky de la rencontre est notable, mais justifiable diplomatiquement. Trump souhaite maintenant un sommet tripartite avec le Russe et l’Ukrainien. Attention à ne pas signer un accord sur le dos de Zelensky ce que les Européens considéreraient comme inacceptable. Mais quel est le poids de l’Union européenne dans ce dossier ? Quantifié négligeable. La marge de manœuvre de Zelensky est également étroite. Il doit prendre garde à ne pas devenir le point de blocage. Il peut être la solution ou devenir le problème.
Même si l’absence de l’Ukraine aux négociations fait peser un lourd risque à tout accord. Certains font le parallèle, comme Mark Toth et Jonathan Sweet, en comparant cette décision à l’erreur de Neville Chamberlain en 1938, qui avait négocié sans inclure la Tchécoslovaquie. Ils estiment que cela affaiblit l’Ukraine et risque de compromettre sa position face à la Russie.
Le second enseignement de ce sommet est que Poutine est revenu dans le jeu diplomatique mondial. D’ailleurs, avec un certain sens de la provocation, Poutine a invité son homologue américain à venir à Moscou pour le prochain round de négociations. Trump n’a pas fermé la porte à une telle rencontre.
Mais, Trump prend de son côté, un grand risque. La paix mondiale n’est pas un jeu de poker où le bluff est une arme de long terme.
De plus que signifierait un «accord de cessez-le-feu signé par Poutine ? La fiabilité des promesses de Poutine est régulièrement remise en cause par les analystes. Ainsi, un expert de Northeastern University le décrit comme « totalement non fiable ». Poutine, lui , est un « joueur d’échecs », patient et calme qui mise sur la « longueur de temps ».
Le premier résultat positif pour le maître du Kremlin, c’est la tenue de cette rencontre elle-même. Elle constitue une victoire diplomatique pour Poutine, car elle lui a offert une reconnaissance internationale en rencontrant le président américain, sans concessions majeures de la part de la Russie. Sans qu’aucune nouvelle sanction à l’encontre de cette dernière ne soit prononcée. Pendant que l’Américain joue ses cartes maîtresses sur la scène diplomatique internationale, le Russe avance ses pions sur le terrain. D’ailleurs, Andrey Kolesnikov, cité par le Financial Times, compare les ambitions de Poutine à celles de Staline. D’ailleurs, à son arrivée dans la ville proche d'Anchorage, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, connu pour ses provocations, arborait un sweat-shirt avec l'inscription « URSS ».
Pour Andrey Kolesnikov , Poutine cherche juste à diviser le monde en sphères d’influence avec Trump et Xi Jinping, dans une logique de « nouveau Yalta ». Du nom de cet accord après la seconde guerre mondiale qui a permis aux Etats-Unis et à l’Union soviétique de se partager le monde.
Les peuples souffrent. En Ukraine, la guerre saigne le pays. Sa population dit sa lassitude et son dépit. De son côté, l’économie ukrainienne donne des signes de grande fragilité. Selon un sondage de Gallup, la part des Ukrainiens voulant combattre « jusqu’à la victoire » s’est effondrée, passant de 73% en 2022 à 24% en 2025. La fatigue de la guerre gagne Kiev, sur fond de défiance à l’endroit de Washington. Un accord de paix est attendu. Le temps presse.