Dans une nouvelle initiative législative touchant une large partie des professionnels et des locataires de longue durée, le Parlement libanais a adopté un amendement important à la loi sur les loyers des biens non résidentiels, après près de deux années de débats prolongés. L’amendement — présenté par le député Georges Adwan — vise à trouver un équilibre fragile entre les propriétaires et les locataires, au milieu d’une crise locative profondément enracinée depuis plusieurs décennies.
Points clés de l’amendement
La loi révisée s’articule autour de deux dispositions majeures :
- Réduction du taux de loyer de référence de 8 % à 5 %, afin d’alléger la charge financière des locataires, en particulier ceux bénéficiant d’anciens contrats de bail.
- Prolongation du délai de libération des baux de 4 à 8 ans pour les biens dépassant 500 mètres carrés lorsque les locataires prennent en charge les travaux de rénovation.
Cet amendement est perçu comme une approche transitoire visant à traiter l’accumulation des « anciens loyers », en particulier dans les espaces commerciaux et professionnels qui fonctionnent encore sous des cadres juridiques exceptionnels.
Catégories de locataires et augmentations de loyers
L’amendement classe les locataires en quatre catégories, chacune avec des dispositions spécifiques concernant la durée de bail et les ajustements de loyers :
- Première catégorie : locataires disposant de contrats standards, renouvelés automatiquement pour cinq ans.
- Deuxième catégorie : ceux ayant payé un « pas-de-porte » avant 2015, avec des baux prolongés pour six ans.
- Troisième catégorie : ceux ayant payé un « pas-de-porte » après 2015, avec des baux prolongés pour sept ans.
- Quatrième catégorie : locations liées à l’État et aux professions libérales (comme les pharmaciens), avec des contrats prolongés pour huit ans.
La loi prévoit également des augmentations progressives des loyers, commençant à 30 % la première année et atteignant le taux de référence complet à la fin de la période de prolongation. Elle supprime la clause qui permettait au propriétaire de reprendre le bien après deux ans en échange d’une renonciation aux augmentations, renforçant ainsi la protection des locataires sur une plus longue période.
Avis juridique : un amendement prématuré ?
L’avocate Judith El-Tini a qualifié l’amendement de « prématuré », notant qu’il a été adopté avant que la loi précédente n’ait été pleinement mise en œuvre — malgré la confirmation de sa constitutionnalité par le Conseil constitutionnel.
El-Tini a soutenu que « la loi initiale reposait sur le principe de justice graduelle, et qu’un amendement précoce risque d’affaiblir l’efficacité d’un cadre juridique conçu pour protéger à la fois les propriétaires et les locataires pendant une période transitoire sensible ».
Contexte de la crise : retards et contestations constitutionnelles
La loi sur les loyers non résidentiels avait été initialement approuvée il y a deux ans, mais a rencontré de multiples obstacles — des retards dans sa publication par le gouvernement de Najib Mikati, à sa republication sous le mandat de Nawaf Salam, jusqu’au rejet de tous les recours constitutionnels contre ses dispositions.
En dépit de l’aval du Conseil constitutionnel, l’opposition a persisté à l’intérieur comme à l’extérieur du Parlement. Les partisans ont soutenu que la loi était nécessaire pour protéger l’investissement et la stabilité économique, tandis que les opposants l’ont jugée injuste pour les propriétaires, qui subissent des pertes depuis des décennies en raison du gel des loyers.
Une crise persistante et des solutions reportées
Le Liban est depuis longtemps enlisé dans des différends concernant les anciens baux, en particulier dans l’immobilier commercial. Les propriétaires réclament une libéralisation immédiate des baux — ou au moins des augmentations de loyers alignées sur les réalités économiques et immobilières. Les locataires, de leur côté, mettent en garde contre des expulsions forcées ou des hausses inabordables en pleine crise économique nationale.
Pris entre ces positions, les législateurs tentent de marcher sur une corde raide, cherchant à éviter des perturbations sociales ou commerciales à grande échelle — d’autant plus que de nombreuses petites entreprises et professions libérales continuent d’occuper des locaux loués à des tarifs très inférieurs aux prix du marché.
Conclusion
Les derniers amendements à la loi sur les loyers des biens non résidentiels constituent une nouvelle tentative de concilier les intérêts des propriétaires et des locataires. Cependant, ils pourraient ne pas suffire à résoudre un problème profondément enraciné qui nécessite un plan de réforme global intégrant l’urbanisme, le soutien gouvernemental et la création d’un fonds de compensation équilibré.
Tant qu’une telle vision n’aura pas vu le jour, les anciens baux resteront un nœud trop complexe pour être défait par de simples ajustements législatifs temporaires.